La guerre des cristalliers by Favade André

Auteur:Favade, André [Favade, André]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-01-01T23:00:00+00:00

- Prenez le temps d'arriver, dis-je sans relever la remarque de Giettaz.

Ils hochent la tête, et s'affairent à mouvements précis. Enlever les grosses chaussures humides ; changer de tee-shirt et de pull ; ouvrir une boîte de bière ; étaler les vêtements au soleil. Je suis étonné de l'évidente légèreté de leurs sacs.

- Vous n'avez pas trouvé de cristaux ?

- On en a repéré, répond Norbert. On remontera les chercher un de ces jours. Ils sont aussi bien là-haut qu'au refuge.

- Vous voulez dire... On risquerait de vous les piquer ?

- On aurait vu plus étonnant, signale René avec flegme. On est donc suspects, que vous êtes là ?

- Oui. Evidemment, vous l'êtes. Au milieu de pas mal d'autres, mais quand même.

Silence.

Le soleil passe derrière une aiguille, là-haut. Plongé dans l'ombre, la terrasse du refuge perd au moins dix degrés. Je frissonne dans la brise devenue soudain froide et je reprends avec détermination :

- Bon, Maurice Violo, vous le connaissiez comment ?

- Comme un jean-foutre, fait Giettaz en haussant les épaules.

- A cause de l'histoire du Peigne ?

- Ça et d'autres trucs. On n'allait pas les lui piquer ses rochers, il n'était pas à trois jours près. Mais non, il fallait qu'il ouvre sa voie là, tout de suite. Aller nous accuser de déséquiper par là-dessus, vraiment, fallait être tordu...

- Monsieur Giettaz, vous savez, moi le déséquipement ça ne me concerne pas. Si ce sont des cristalliers qui s'en sont chargés, autant me le dire. Je le garderai pour moi, mais ça me facilitera le boulot.

Les deux cristalliers se regardent. Silence.

- C'est peut-être un cristallier, dit enfin Norbert avec prudence, mais dans ce cas il a agi seul et les autres n'en ont rien su.

- OK. Maintenant, est-ce que Violo s'est rendu odieux au point d'être tué ?

- Faut croire, pas vrai ? articule René au moment où Norbert assure : « Sûrement pas ».

C'est lui qui continue :

- Il était galère, comme gars, un pauvre mec. Même ses copains en avaient marre. Mais de là à le dessouder, il y a de la marge. C'est fantastique, cette histoire.

Le soleil ressurgit de derrière sa pointe rocheuse et nous nous détendons tous les trois, d'instinct, dans la tiédeur revenue. Je suis assez d'accord avec Norbert Riverolle, au fond. On ne prend pas le risque énorme de tuer quelqu'un parce qu'il est antipathique.

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