La Grande Peur dans La Montagne by Charles Ferdinand Ramuz

La Grande Peur dans La Montagne by Charles Ferdinand Ramuz

Auteur:Charles Ferdinand Ramuz [Ramuz, Charles Ferdinand]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Roman, Montagne, Littérature suisse romande et des régions voisines, 20e
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2018-02-26T00:00:00+00:00


X

Pendant ce temps, ceux du village continuaient à relever le poste ; comme le poste était de quatre hommes et qu’on le relevait toutes les quatre heures, c’était pour eux un grand dérangement. Quatre hommes, six fois par jour, ça en faisait vingt-quatre par jour ; or, en cette saison, à peine s’ils étaient une centaine d’hommes au village, de sorte que votre tour revenait deux fois par semaine à peu près et souvent au milieu de la nuit. Les tours étaient inscrits sur un papier. On venait à deux heures du matin vous appeler sous vos fenêtres. C’était pour eux un grand dérangement ; ils ont pourtant été bientôt forcés de voir que même ce dérangement, et tout important qu’il était, n’allait plus servir à grand’chose.

À la fin d’une de ces dernières nuits, peu avant le lever du soleil, il y avait eu, en effet, un coup de fusil dans la gorge ; puis ce nouveau malheur s’est mis à descendre vers eux.

Ils n’avaient pas compris tout d’abord, ceux du poste ; ils avaient vu seulement d’abord que c’était un homme qui venait ; ils étaient courus hors du fenil avec leurs fusils, pensant l’empêcher de passer ; criant : « Halte-là ! » puis tout à coup :

— Mais c’est Romain !…

Et c’était Romain en effet.

Il s’était passé ceci que Romain, tout en continuant de se tenir caché, n’avait pourtant pas pu rester longtemps tranquille. Il s’était remis à penser à son fusil et à cette fissure de roc où, sous les feuilles sèches, il y avait l’arme, une poire à poudre, de la grenaille, des capsules dans une boîte de fer-blanc, parce que c’était un vieux fusil à chien ; – il avait été remordu par l’idée de ce fusil ne servant plus à rien, tandis qu’il aurait eu maintenant tout le temps qu’il fallait pour s’en servir et même il ne savait plus que faire de son temps. Il n’y avait plus tenu ; il avait fini par se dire : « Si j’allais faire un tour dans la forêt, quand même ? »

Étant parfaitement renseigné sur l’état des lieux, il avait eu vite fait de voir comment il lui faudrait s’y prendre pour passer sans être aperçu par ceux du poste, ce qui n’était pas très difficile ; et, une nuit donc, il était parti, n’ayant eu qu’à suivre en se baissant le lit du torrent. Ce n’était pas plus difficile que ça, se disait-il, tout en allant chercher son arme, pendant que le jour commençait à paraître, faisant venir dans le haut des branches des losanges couleur de poussière, ou bien des carrés, ou bien des triangles, en même temps que les oiseaux élevaient leurs premiers cris.

En même temps que le jour s’élevait, un premier cri d’oiseau s’élève et une branche ployait sous le poids d’un pic, une branche ployait sous le poids de ce petit paquet de plumes comme sous celui d’un fruit. Une branche a été quittée, elle se relevait en se



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.