La gloire et l'effroi by Baecque (de)

La gloire et l'effroi by Baecque (de)

Auteur:Baecque (de)
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Grasset


GEFFROY, OU L'EFFROI DES AUTRES

A une heure du matin le 4 prairial an II, patrouillant aux abords de la place du Théâtre Favart, quelques citoyens de la section Lepeletier, armés de leurs piques, entendent un cri : « A moi, on m'assassine à coups de pistolet310 ! » Patriotes et téméraires, quatre d'entre eux s'élancent vers la porte du numéro 4 de la rue Favart, d'où est venu l'appel au secours. Là, les citoyens découvrent, nu-tête et commotionné, Jean-Marie Collot d'Herbois, député, membre du Comité de salut public. Un homme, dans l'escalier de la maison, vient de se précipiter sur lui, armé de deux pistolets. Le premier fit long feu, ne brûlant que l'amorce. Le second rata sa cible, Collot d'Herbois s'étant penché en arrière. La balle se ficha dans le mur. L'assassin s'est réfugié dans une chambre, au quatrième étage; il est encore armé d'un fusil. L'un des citoyens de garde, Jean-Baptiste Pelletier, retient Collot d'Herbois qui désire se venger lui-même en s'emparant du meurtrier : « Nous ne souffrirons pas que tu exposes tes jours, ils sont trop précieux à la République. Ne crains pas que le scélérat échappe, la force armée est là et nous ferons notre devoir311. » Ses trois compagnons sont déjà rendus au quatrième étage, où ils s'apprêtent à forcer la porte. Un cri de forcené résonne : « Avancez, scélérats, et je vous tuerai312! » Un coup de feu précède la mêlée générale. L'assassin est arrêté, conduit au poste de police de la rue Favart313, mais l'on a relevé un blessé dans les rangs des citoyens. Le premier se nomme L'Amiral, âgé de 50 ans, employé de bureau à la Loterie nationale, et avoue avoir attendu Robespierre toute la journée, rue Saint-Honoré puis sur la terrasse des Feuillants, pour le tuer, avant de se rabattre sur Collot d'Herbois « car il habite dans la même maison que moi »; le second s'appelle Geffroy, père de famille, serrurier de la rue Favart, et a été gravement blessé à l'épaule, la balle l'ayant traversée de part en part.

Le Crime et la Vertu, ou L'Amiral et Geffroy : ainsi un dramaturge dénommera-t-il une pièce jouée dans les jours qui suivent sur la scène du grand théâtre de Rouen, reprise ensuite, comme il se doit, au Théâtre Favart314. Dès le 4 prairial au matin, en effet, lorsque la nouvelle se répand, la Convention tient à transformer ce fait divers en un cas exemplaire, en un récit édifiant : un nouveau martyr a versé son sang, mais son sacrifice n'a pas été inutile car il a sauvé la vie d'un représentant du peuple. Plus encore, un véritable culte de Geffroy se met en place : le blessé est honoré, montré en exemple par des centaines de délégations qui se présentent devant la Convention, consacré par des hymnes, des poèmes, des tableaux, des gravures, des fêtes. Enfin, le discours politique s'empare de ce corps meurtri : la blessure de Geffroy s'apparente très vite à une illustration de la nécessité du nouvel élan de la Terreur réclamé par le Comité de salut public.



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