La famille Chevalier T3 : L'été de l'expo by Jean-Pierre Charland & Jean-Pierre Charland

Auteur:Jean-Pierre Charland & Jean-Pierre Charland [Charland, Jean-Pierre & Jean-Pierre Charland]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782897819903
Éditeur: Hurtubise
Publié: 2024-11-29T00:00:00+00:00

Après les encouragements de ses deux enfants, formulés dans des termes quasi identiques – donc, ils en avaient discuté entre eux –, Romain avait décidé d’accepter d’accompagner la mère de Lise Blais. Et pour ne pas changer d’idée une douzaine de fois pendant les jours à venir, il se résolut à s’engager formellement tout de suite, sans attendre le jour de son retour au travail après ses vacances. Cela sans compter que laisser cette femme sans réponse aurait été très indélicat.

Une fois cette résolution prise, une difficulté demeurait: jamais Lise n’avait eu de raison de lui communiquer son adresse. Toutefois, il connaissait le nom de son époux – Réal Tanguay –, et elle avait souvent justifié tout le temps supplémentaire qu’elle s’imposait par l’achat d’une propriété rue Lloyd-George. «C’était un premier ministre en Angleterre!», avait-elle précisé à quelqu’un qui lui posait la question.

Ces informations suffisaient pour trouver ses coordonnées. Aussi, en après-midi, Romain avait appelé la téléphoniste de Bell Canada. Sa prononciation, en anglais, laissait beaucoup à désirer, l’employée eut donc un peu de mal à comprendre le nom du fameux premier ministre. Finalement, il réussit à obtenir le numéro.

À sept heures trente, il prit son courage à deux mains et composa les sept chiffres. Une voix féminine familière répondit.

— Je parle bien à mademoiselle Blais?

— Ah! Ça, c’était il y a quelques années. Aujourd’hui, c’est madame Tanguay.

— Oh! Je m’excuse.

— Ce n’est rien, monsieur Chevalier. Tous ceux qui m’ont connue jeune fille m’appellent encore mademoiselle Blais. Qu’est-ce qui me vaut le plaisir de votre appel?

— Comme je ne serai pas à l’hôpital pendant les semaines à venir, j’ai pensé plus convenable de vous dire tout de suite que j’accepte l’invitation de votre mère. À condition que cette invitation tienne toujours.

— Elle tient toujours. Ma mère est à côté de moi. Je vous la passe pour qu’elle vous le dise elle-même.

Il entendit quelques mots murmurés, puis une autre voix reprit:

— Monsieur Chevalier, je vous remercie. C’est très gentil à vous. Vous comprenez, dans ce genre de festivités, une personne seule se sent facilement de trop.

— Ça me fait plaisir, je vous assure.

En prononçant ces paroles, Romain se rendit compte que c’était vrai. La femme enchaîna:

— Vous savez, si nous avions l’occasion de nous voir avant le grand jour, nous serions plus à l’aise l’un avec l’autre. Puis-je profiter d’un prochain rendez-vous médical pour prendre un café avec vous? Vous avez certainement droit à des pauses pendant la journée.

— Vous avez raison, et comme depuis quelques années il m’est souvent arrivé de m’en priver, celle-là pourra être un peu plus longue.

Inutile de préciser qu’étant en vacances, il se rendrait à l’hôpital pour la rencontrer.

— Alors c’est convenu. Lise pourra vous dire quand je me présenterai à mon prochain rendez-vous. Je vous souhaite une excellente fin de soirée.

— À vous aussi, madame.

Au moment de raccrocher, Romain se sentait soulagé – parce qu’il avait osé, parce que cette femme lui avait semblé avenante et mesurée –, mais il était également troublé. Comme s’il trompait Viviane, d’abord.

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