La couleur des souvenirs by Foucault Jean-Pierre

La couleur des souvenirs by Foucault Jean-Pierre

Auteur:Foucault Jean-Pierre [Jean-Pierre, Foucault]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-12-10T05:00:00+00:00


8.

Sauvé par le Teppaz !

Je garde un souvenir émerveillé de mes premières boums chez Claude. J’étais très intimidé, ne sachant pas comment me comporter dans cet univers inconnu mais terriblement excitant. Je ne savais pas m’habiller, je ne savais pas danser, j’étais empêtré dans un corps dont je ne contrôlais pas tous les mouvements et j’ignorais tout de la manière dont on parle aux filles, autrement qu’en ricanant. Au diable tous ces handicaps, je n’aurais cédé ma place pour rien au monde ! Comme tous les grands timides, je m’étais trouvé une affectation qui me dispensait d’affronter les demoiselles : je m’occupais du Teppaz ! Ce tourne-disque épatant et robuste résistait aux chocs des danseurs de rock maladroits, aux verres de soda renversés et aux chewing-gums écrasés. Sa tête de lecture était suffisamment lourde pour rester vaillamment dans le sillon du microsillon, malgré la poussière et les rayures ; et le haut-parleur, niché dans le couvercle amovible, privilégiait gravement les graves, avantageant le saxo, la batterie et la basse. Ce qui n’était pas plus mal.

Mon intérêt pour les filles se révélait inversement proportionnel à mon embonpoint. En vérité, j’étais un gourmand, limite glouton, richement nourri par une mère inquiète, et dont le système hormonal avait été endommagé par la prise inconsidérée de médicaments. Mon séjour en Grande-Bretagne n’améliora pas les choses. Alors qu’il était de bon ton de dénigrer la cuisine d’outre-Manche, je me jetais sur ses spécialités avec un appétit suspect. Je découvrais les hamburgers, inconnus en France ; les fish and chips, qu’il faut envelopper dans du papier journal pour absorber le surplus de graisse, les bonbons anglais aux couleurs si sucrées qu’elles n’existent pas à l’état naturel, et, en même temps que la musique américaine, les sodas et les sticks chocolatés, bourrés de calories. À côté, les barres d’Ovomaltine made in France, ressemblaient à d’aimables plaisanteries ! Je revins obèse, traînant une valise bourrée de friandises par mon cousin Peter. Ma mère, effarée, me conduisit à l’hôpital Saint-Joseph où un médecin me mit à la diète et me prescrivit le fameux Califon® aux funestes conséquences.

Malgré tout, l’heure du goûter resta toujours un moment unique où je sacrifiais à mes péchés mignons, inventant de nouvelles recettes pour compenser, au retour de l’école, toutes mes frustrations. La confiture de coings est bien meilleure lorsqu’on la pêche en cuillère à deux doigts, directement dans le pot. Une épaisse couche de chocolat râpé étalée sur une belle tartine copieusement beurrée est déjà délectable, alors même qu’on la confectionne. Et que dire de l’accord parfait, en texture et croquant, du fondant de la mie et du choc tonique d’un bout de pain frais et d’un morceau de sucre, croqués simultanément ? J’y ajouterais, pêle-mêle, la liste de toutes ces friandises qui, chacune, nous rappellent un moment de douceur passé : pâtes de fruits, à la rugueuse surface de sucre cristallisé ; cuillerée de miel, qui s’étire en une larme dorée, débordant du col du pot, et qu’on efface d’un coup de doigt



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