La cavaliere_lexia by Galzy Jeanne

La cavaliere_lexia by Galzy Jeanne

Auteur:Galzy,Jeanne [Galzy,Jeanne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Gallimard
Publié: 1974-10-25T16:40:35+00:00


Elle était partie de Fontfrège comme on se délivre. Elle fuyait les pleurs qui coulaient sur les joues de Suzanne, les soupirs qu’exhalait Noémi et surtout cette sorte de stupeur qui avait, après les premiers cris et les interrogations haletantes, paralysé, semblait-il, le visage régulier de Jémina Deshandrès.

La mort de son mari l’avait laissée prostrée, comme si la vie n’était plus en elle. À présent, elle allait et venait sans arrêt dans sa chambre, le regard perdu.

— Je crains pour sa raison, avait dit Suzanne en conduisant Amédée à la grille, puis, la grille atteinte, retenant par la bride le petit cheval Camargue, elle l’avait encore un peu accompagnée sur le chemin.

— Que vais-je devenir ? avait-elle dit.

— Voyons, mais c’est peut-être bien une chance : il ne se battra plus, dit Amédée qui pensait au prisonnier.

Elle n’avait pas obtenu de réponse, et piqué du talon le petit cheval, et crié « Au revoir, Suzanne ! » en s’éloignant.

Sur les routes, elle avait mieux respiré. Les vignes étaient désertes et aussi les vastes espaces des garrigues. Après Aimargues, elle entrait dans son pays. Le vent vivait. Elle le retrouvait avec sa force et la grande demeure ne l’oppressait plus.

Éva n’était pas encore couchée quand elle entra.

— Tu reviens déjà ? Je ne t’attendais qu’après-demain. Tu as avancé ton départ ?

— Elles ont reçu des nouvelles d’Arnold.

— Qu’est-il arrivé ? blessé ? ou…

— Non. Fait prisonnier.

— Ah ! tant mieux ! Il ne se battra plus.

— Je le leur ai dit. Mais elles imaginent mille dangers possibles. Elles ne voient que le malheur.

— Lorsqu’on a eu de grandes épreuves, on reste marqué. On ne peut plus faire face. Et toi, n’es-tu pas fatiguée ?

Cette sollicitude inusitée étonna Amédée.

— Ne fais-tu pas des efforts au-dessus de tes forces ?

— Non ! Je peux.

Il ne manquerait plus qu’on veuille l’empêcher de mener cette vie où elle trouvait parfois sa délivrance !

— Je peux ! Je te l’assure !

— Mais pas encore cette nuit. Pas cette nuit après cette course. D’ailleurs on ne t’attendait pas si tôt. Sois raisonnable. Va dormir.

— Je voudrais bien manger. Je vais appeler Noune.

— Non. Ce n’est pas la peine. Il y a dans le buffet…

Elle n’eut pas le temps d’achever : Amé avait déjà ouvert le lourd battant de chêne. Le pain était là, avec les restes du repas. Elle mordit dans la miche, se coupa de la viande. Ses dents happaient, broyaient, mastiquaient rapidement.

Éva regardait cette hâte.

— Tu vas aller dormir et attendre qu’on te réveille.

— Oui, Maman.

Elle disait le mot, mais ne pouvait avoir un geste. Elle n’imaginait pas que cette femme obstinée dans son deuil, n’attendait peut-être que ce geste pour lui ouvrir les bras.



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