La Biscuiterie Saint-Claude T1 : Gabrielle by France Lorrain

Auteur:France Lorrain [Lorrain, France]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique
Éditeur: Guy Saint-Jean
Publié: 2023-02-23T00:00:00+00:00

Chapitre 15

Lorsque des coups au plafond réveillèrent Gabrielle en ce début d’août, elle ronchonna un moment en regardant l’heure sur son réveille-matin. Mais qu’est-ce que monsieur Gosselin voulait encore ? Il avait été entendu avec Armando et Maria que le jeudi, la femme ne commençait son quart de travail qu’à midi puisque la biscuiterie fermait à 8 heures ce soir-là. Le silence dans l’appartement était propice au sommeil. Seuls quelques oiseaux matinaux faisaient entendre leur chant par la fenêtre ouverte du salon.

« Florent est pas encore debout, je vais essayer de me rendormir », songea Gabrielle en se tournant sur le canapé-lit inconfortable.

La tête posée sur son bras replié, Gabrielle bâilla en réalisant qu’elle n’y arriverait pas. Elle repensa à tous les événements qui avaient eu lieu au cours du dernier mois en fermant les yeux. Le déménagement, le nouveau travail, cet étrange voisin du haut qui semblait prendre un malin plaisir à se mêler de ses affaires, la dispute avec sa famille… Si Gabrielle était honnête avec elle-même, il était évident que ni sa mère ni son frère ne lui manquaient. Depuis longtemps, la femme avait appris à faire son chemin seule.

« C’est certain que j’aurais aimé ça que Charles prenne ma défense ! Mais j’imagine que c’est trop lui demander. Ils sont même pas venus me voir à la biscuiterie. Ça dit tout sur l’intérêt qu’ils me portent », pensa Gabrielle, qui ignorait que son frère était passé devant le commerce à deux reprises sans avoir le courage de pousser la porte.

Étirant le bras, Gabrielle alluma son poste de radio à piles. En souriant ironiquement, elle écouta l’annonceur qui présentait la nouvelle du jour : « C’est aujourd’hui que le Conseil législatif doit entreprendre l’étude du projet de loi fusionnant les 14 municipalités de l’île Jésus en une seule municipalité qui portera le nom de Ville de Laval…* »

« Je vais en entendre parler toute la journée ! Les gens de Laval-des-Rapides sont tellement divisés sur la question ! En même temps, ça changera pas grand-chose dans notre vie. »

Cette fusion faisait d’ailleurs partie des sujets de conversation tabou chez les Roussy de l’avenue Bazin. Si Gabrielle tentait d’oublier sa mère, cette dernière revenait souvent dans ses pensées, bien malgré elle.

— Elle doit être de bonne humeur, aujourd’hui. Je plains presque Charles d’avoir à l’endurer. Presque… parce qu’il a juste à mettre son poing sur la table et à s’affirmer un peu.

Gabrielle, à présent bien réveillée, s’obligea finalement à sortir du lit. Elle enfila une robe de chambre sur sa jaquette courte de coton et retint ses cheveux en glissant un bandeau sur sa tête. La femme jeta un coup d’œil désabusé sur le disque d’Elvis que Carole avait donné à sa fille Berthe pour son anniversaire, quelques jours plus tôt.

— Oh, merci, Carole, avait susurré l’adolescente en évitant de regarder sa mère.

C’est Florent, du haut de ses sept ans, qui avait créé le malaise sans le savoir.

— Notre tourne-disque est brisé, pis maman dit qu’on a pas d’argent pour le faire réparer.

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