La Belle Cévenole by Marie-Claude Gay

Auteur:Marie-Claude Gay [Marie-Claude Gay]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: De Borée
Publié: 2019-09-11T22:00:00+00:00

Auberge du Sans-Souci, la bien nommée. Elle est toujours bondée grâce à l’ambiance bon enfant qui y règne, le prix modique des repas et les attentions de ses tenanciers.

– Petite, on va manger pendant que Blaise garde la couble. Ici, la patronne est généreuse et les assiettes bien remplies.

Des chevaux, le nez dans un seau rempli d’avoine, attendent le bon vouloir de leurs maîtres. Le muletier pousse Clémence devant lui et atteint la porte. La salle enfumée sent le bois mouillé. Le muletier jette un regard circulaire sur les tables où les dragons font la loi.

– Ah ! Le Baptiste ! s’écrie la tenancière. Que m’apportes-tu aujourd’hui ? As-tu pensé à mon fil à broder ?

– Je t’apporte des lentilles du Puy, des haricots secs de la Margeride, des saucisses auvergnates et du fromage du Cantal. Et crois-tu, la Denise, que j’oublie tes commandes ? J’ai un sac entier de coton à broder de toutes les couleurs. Tu choisiras.

– Tu vas être content, y a du coq au vin aujourd’hui ! répond-elle. Deux portions ? Et le gamin Blaise ?

– Y mangera après nous.

La plupart des dragons se sont retournés et regardent Clémence. Elle se tient roide, les yeux baissés. Comme lui a conseillé Baptiste, ne pas se faire remarquer, rester une petite souris discrète.

– Tiens, assieds-toi sur ce banc. Et pourquoi tant de fumée ? Les yeux me piquent.

– Le bois a pris l’orage l’autre jour et c’est difficile de l’allumer pour faire cuire ma soupe.

Nullement démonté, Baptiste salue à droite et à gauche avant de s’attabler. En face de lui, un muletier de Salers.

– Comment ça va Gaston, depuis qu’on s’est pas vus ?

– Le grand-père est mort. Il était très malade. Et la grand-mère ne vaut guère mieux.

– Ah ! Que veux-tu, on en est tous là, répond Baptiste, fataliste.

Ils entament une conversation sur la qualité des vins du Rhône et ceux du Vivarais. Gaston jette de fréquents coups d’œil vers la jeune fille.

– Va porter un morceau de pain à Blaise, dit-il en tendant un quignon à Clémence.

Après le départ de l’adolescente, il se penche vers Baptiste.

– Que fais-tu avec la fille Tassin ?

– La fille Tassin ? Mais tu rêves !

– Ne fais pas l’imbécile. Je la reconnais, je l’ai souvent vue sur le marché du Pont-de-Montvert avec sa mère. Personne ne peut oublier la couleur de ses yeux et de ses cheveux.

– Je te répète que tu te trompes. C’est la fille de l’Antoine de Nîmes.

– T’en as vu beaucoup, des rousses, par ici ?

– Ben oui ! La Jeanne à Florac.

Clémence se dirige vers eux et ils se taisent. Baptiste sourit toujours, mais à l’intérieur il a peur, non pas pour lui, mais pour elle.

– Alors, ma couble va bien ? Le Blaise aussi ?

– Oui, oui, il fait tellement chaud qu’il a mené les bêtes à l’ombre et leur donne à boire l’eau fraîche de la fontaine.

– Brave Blaise, commente Baptiste. Lorsque mes jambes commenceront à flageoler, il me remplacera en attendant

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