Juste un tableau ? by Laura Syrenka

Auteur:Laura Syrenka [Syrenka, Laura]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Erotique
Éditeur: Textes Lesbiens
Publié: 2014-05-15T22:00:00+00:00

Chapitre 13

Le salon dans lequel Sarah Bernhardt me reçoit à 16h est spacieux et de décoration très théâtrale. Une grande banquette rouge trône sur une sorte d’estrade aux rideaux de velours noir, pour s’y asseoir gravir trois marches.

La « Divine » m’accueille tout de blanc vêtue. Elle ne paraît pas son âge, on lui donnerait 40 ans alors que, selon les confidences de certains, elle en aurait 66 ! Sa voix profonde donne à l’ensemble un côté dramatique. On dirait que la comédienne joue autant sur scène que dans la vie.

Elle me tend une main alanguie que je serre avec douceur. Son singe batifole dans les rideaux et joue avec la lumière qu’il occulte ou fait jaillir. Je suis surprise par l’odeur âcre qui occupe la pièce. Sarah le remarque et m’indique un grand félin endormi au fond de la chambre.

— ça sent le fauve, n’est-ce pas ? J’aime à m’entourer de mes bêtes quand je suis seule. Ils me détendent et me procurent un grand apaisement.

— Je ne savais pas que vous aviez une panthère chez vous.

— Panthère, tigre, crocodile… Les animaux sont mes amis, ils sont sincères et contrairement aux hommes, ils ne mentent pas. C’est pour cela que j’ai songé à vous demander de réaliser un tableau particulier.

— J’en serai honorée, Madame.

— Je voudrais me faire greffer une queue de tigre en bas des reins. Mais avant de le faire, je désire que vous réalisiez un tableau sur ce thème.

— L’idée est piquante, en effet.

— Voilà comment je vois la composition : Je m’assieds de trois quarts dos sur la banquette, à demi nue, ma queue bien en évidence, je porte des sandales dorées et je tourne la tête sur mon épaule visible. Peut-être qu’un amant pourrait être à mes pieds ? Qu’en pensez-vous ?

— Personnellement, je préfèrerais sans l’amant à vos pieds, je crains que cela ne surcharge l’œuvre.

— Fort bien, nous verrons ensemble au fur et à mesure.

— Désirez-vous qu’aujourd’hui je commence quelques esquisses ?

— Pourquoi pas ? Voici la pose que je suggère.

Sarah Bernhardt monte sur l’estrade et s’assoit sur la banquette en amazone. Sa pose est infiniment gracieuse. Je m’installe sur un pouf et commence à croquer.

Au bout d’une heure, j’ai réalisé deux esquisses et les tends à la comédienne. Son œil exigeant inspecte mon travail et reste silencieuse durant un bon moment. La sueur coule le long de mon dos en attendant le verdict de la « Divine ». Mais un sourire petit à petit s’ébauche sur ses lèvres, ses yeux pétillent, elle ouvre la bouche et me complimente chaleureusement.

— Vous avez su capter mon côté félin. Je suis ravie. Quand commençons-nous les séances ?

— Je suis disponible pour vous l’après-midi.

— Eh bien, disons que nous commencerons la semaine prochaine à 15h tous les après-midi. Qu’en pensez-vous ? Ce sera charmant !

Sans un mot de plus, Sarah saisit le cordon de sonnette des domestiques. Une soubrette entre.

— Julie, le porto s’il vous plaît.

— Bien Madame.

Ladite Julie revient de suite avec le plateau et la comédienne m’invite à m’asseoir à côté d’elle.

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