Jusqu'au bout de la peur by Moka

Jusqu'au bout de la peur by Moka

Auteur:Moka [Moka]
La langue: fra
Format: epub
Tags: BIB Jeunesse
ISBN: 9782211077279
Éditeur: Éd. L'École Des Loisirs
Publié: 2008-12-01T16:35:05+00:00


12

Armoise

Mojette dormait, au sec à l’intérieur de la parka de Garance. Le cœur de la chatte battait calmement, apaisant les angoisses de la petite fille. Les hameaux étaient déserts, les cabanes semblaient toutes vides. Une pluie serrée, froide et impitoyable tombait sur le paysage noyé. Quentin commençait à perdre la notion du temps et de l’espace. Plus rien n’avait de sens. Par moments, il avait l’impression de tourner en rond. Mais comment se repérer au milieu de cette étendue liquide et grise ? Il naviguait sur les champs, les routes et les chemins. L’eau dans les canaux était trop haute pour la perche. Il n’y avait même plus assez de place sous le tablier des ponts pour le passage de la barque.

Les troglodytes étaient partis. Les mouettes et les goélands avaient quitté le ciel noir. Les échassiers avaient colonisé les arbres. Les hérons cendrés paraissaient perplexes devant toute cette eau. Même les canards, si bruyants d’ordinaire, nageaient en silence.

— Ils savent, dit brusquement Garance.

— Qui ?

— Les oiseaux. Ils se taisent parce qu’ils ont peur, eux aussi. Ils savent que c’est une catastrophe.

Quentin ne trouva rien à répondre.

— Il n’y a plus personne, continua Garance. On est tout seuls. On va mourir de faim.

— Non ! On va bien arriver quelque part !

— Tu dis ça depuis le début. Et on n’est toujours nulle part.

Un martin-pêcheur lança un « tiht ! » strident du haut d’un peuplier blanc.

— Ben, tu vois, il parle, lui ! remarqua Quentin.

Garance haussa les épaules et enleva son casque. Elle entreprit de vidanger la plate, que la pluie remplissait inexorablement.

Soudain, un long cri parcourut l’onde. Mojette dressa les oreilles. Quand le cri se répéta, la chatte miaula. Quentin, qui avait d’abord cru à l’appel d’un oiseau, regarda autour de lui.

— Là-bas ! s’exclama Garance, le bras tendu. Ohé ! Ohé ! Au secours !

Quentin aperçut la silhouette d’une barque entre les frênes têtards. Quelqu’un ! Enfin ! Il fit pivoter la plate et la dirigea vers le canal. Il avançait sans hâte, le geste sûr.

— C’est une dame, dit Garance. Elle est pas jeune. J’espère qu’elle n’est pas perdue, elle aussi !

La vieille femme les attendait patiemment. À leur approche, elle agita sa pelle dans l’air.

— Ne rejoins pas le contrebot ! lança-t-elle. Tu ne vas pas trouver le fond ! Je vais passer mon batai !

— Contrebot ? répéta Garance.

— Je crois que c’est le canal, répondit Quentin.

La maraîchine manœuvrait sa pelle d’une main experte. Garance remarqua des nasses en osier dans le bateau.

— Ce n’est pas un temps pour se promener, mes enfants !

— On se promène pas ! répliqua Garance. On est paumés !

— Vous pouvez nous aider, s’il vous plaît ? demanda Quentin. On n’a pas mangé depuis très longtemps.

— C’teu question ! Suis-moi, mon gars. Tu te débrouilles bien avec ta pigouille.

— Ah bon ? Pourtant, j’y connais rien.

Garance observait le visage ridé sous le chapeau imperméable. La vieille femme semblait amicale, cependant Garance ressentait de la méfiance. Quentin, en revanche, lui avait aussitôt accordé sa confiance.



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