Journal d'un siècle disparu by Edward Hoagland

Journal d'un siècle disparu by Edward Hoagland

Auteur:Edward Hoagland [Hoagland, Edward]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature américaine, Roman, États-Unis, Nature, Voyages, Aventures
Éditeur: Gallmeister
Publié: 2023-06-08T00:00:00+00:00


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HAZELTON ET LE VOYAGE DANS LE NORD

Mercredi 6 juillet

JE lis Les Papiers posthumes du Pickwick Club1, un livre que je considérais autrefois comme excessivement trivial. C’est toujours idiot de dédaigner un classique. Comme lorsqu’on dédaigne le pays que l’on est en train de visiter, c’est un signe d’aveuglement, qui disparaît et dont on a bientôt honte.

Je loge dans un motel, tout de plâtre et de plastique, le temps que mon genou aille mieux. Je regarde la télévision et prends de longues douches. Smithers, fondée voici cinquante-trois ans, ressemble à une ville californienne de trois ans, mis à part quelques reliques plaisantes. C’est le pays de l’huile de coude, le pays des hommes jeunes dont on entend souvent parler, où le maximum de jeunes possible travaille dur pour prendre l’ascenseur social au rez-de-chaussée, souscrit des emprunts bancaires et économise pour décrocher un pactole. Il y a six ans la route entre Hazelton et Smithers était une piste tout en lacets, le long de laquelle des hommes âgés prenaient le soleil devant leur maison et les terres qu’ils avaient défrichées, tandis que leurs enfants étaient partis dans le Sud, à la recherche de prairies plus vertes. Maintenant c’est une autoroute avec trois voies bien droites, et les aires pour la restauration sont construites en retrait pour pouvoir être agrandies. Des voitures passent, avec des canoës sur le toit, comme des chapeaux pour le réveillon. La nature qui s’affiche là est la nature humaine – comme toujours. Après soixante-quinze ans d’ère des pionniers, le décor est planté pour gagner de l’argent.

Hier je suis allé à Hazelton en voiture avec une jeune Anglaise, couverte de taches de rousseur, petite et culottée ; je l’ai choisie après avoir quitté l’hôpital de préférence à une fille du Manitoba, bien que cette dernière soit plus douce et fasse des promenades poétiques à l’aube. Je recherchais l’astringence britannique et le cosmopolitisme – un frère à Hong Kong, la mère à Chypre. Mais j’ai commis une erreur. Elle est lesbienne, et passe par des hauts et des bas. Elle vit avec une Australienne baraquée, très masculine, une fille qui, lorsqu’elles vont au cinéma, roule dans les rues du quartier à cent à l’heure, et qui souffre désespérément. Ma compagne de route a un esprit de contradiction changeant. Mais elle est également attirante – enjouée, insomniaque, dure avec elle-même. Pour le moment, ce qui les sauve, ce sont les petites attentions, la cour qu’elles se font, tous ces rituels traditionnels qui n’aboutissent nulle part.

Je craignais de tomber en ville sur quelqu’un de ma connaissance, qui me demanderait des nouvelles de ma femme. Cela ne s’est pas produit. La minuscule cabane en préfabriqué où nous vivions au bord du fleuve m’a paru miteuse, ce qui est normal. Tous les endroits où nous avons vécu, que ce soit à New York ou ici, ont maintenant l’air miteux, et nous dormions dans des lits atroces, des lits pour une personne. Tout en essayant d’éviter la cabane, j’ai grimacé intérieurement au souvenir de mon



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