Jeu de massacre à Berlin by Elisabeth Herrmann

Jeu de massacre à Berlin by Elisabeth Herrmann

Auteur:Elisabeth Herrmann
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Slatkine & Cie
Publié: 2018-01-15T00:00:00+00:00


7

À seize heures précises, je me trouvais dans la Exerzierstraße ; je levai alors les yeux vers le troisième étage. C’est donc là qu’habitait Mme Sommerlath. Un immeuble moderne de trois étages, d’apparence coquette, à la façade claire et aux fenêtres en plastique encadrées de rouge. Les balcons étaient tous cultivés avec amour, les géraniums poussaient de leur mieux, et certains arrangements comptaient, çà et là, une courge d’ornement.

À peine avais-je sonné qu’on m’ouvrit la porte, et je rejoignis le troisième étage à bord d’un ascenseur moderne au ronronnement feutré.

« C’est très aimable à vous d’être venu ! »

La voix de baryton-basse de Mme Sommerlath emplit toute la cage d’escalier et résonna contre les murs en crépi beige. Elle portait une de ces robes qui moulaient son corps imposant et s’était noué un tablier d’une blancheur éclatante autour de la taille.

La porte ouverte de l’appartement laissait échapper une odeur de café fraîchement préparé. Après m’être soigneusement essuyé les pieds sur le paillasson, comme elle me l’avait demandé instamment, je pénétrai dans un petit deux-pièces propret, bien agencé, dans lequel les enfants kitsch de Katharina auraient été parfaitement à leur place. La fenêtre qui ouvrait sur le balcon était tendue de rideaux brodés au crochet d’un blanc éclatant ; un arrangement de fleurs de soie resplendissait sur la table basse recouverte de carreaux marron, et le dossier du canapé en velours jaune était garni de coussins décoratifs alignés en ordre géométrique.

« Asseyez-vous, je vous en prie. »

Je m’assis dans l’unique fauteuil, espérant ainsi que Mme Sommerlath ne viendrait pas se presser contre moi.

« Que me vaut l’honneur de cette invitation ? »

La secrétaire prit place sur le bord du canapé. « J’ai organisé quelque chose. Un ménage à trois, si j’ose dire. M. Sebald voulait encore m’apporter quelque chose. Et j’ai pensé que ce serait bien que vous puissiez faire connaissance. »

Elle souriait fièrement, tel un directeur d’agence matrimoniale. « Il devrait arriver d’un moment à autre. »

Nous nous tûmes pendant quelques secondes.

« Bien », dit-elle.

« Bien, bien », répondis-je.

Elle sembla prise d’une inspiration soudaine. « Que diriez-vous si je vous montrais les photos de fin d’année ? »

« Les photos de fin d’année ? »

Elle acquiesça avec empressement, se leva, profita de l’occasion pour frôler, en passant, mes jambes d’un peu trop près, et alla chercher un immense album photo dans le tiroir d’une étagère murale. Nous passâmes les dix minutes suivantes à regarder, tête contre tête, des centaines d’élèves, tous habillés en blanc et vert, qui étaient alignés en rang devant l’imposant portail d’entrée du lycée Herbert Breitenbach et fixaient l’objectif avec un sourire radieux. Cependant, Mme Sommerlath évoquait dans un joyeux gazouillis des générations d’élèves depuis longtemps oubliées, jusqu’à ce qu’elle tourne la trois cent soixante-dix-neuvième page et pointe son index sur une autre photo de fin d’année.

« Voici votre classe. »

Des élèves d’une douzaine d’années, un large sourire aux lèvres et portant des appareils dentaires, regardaient dans toutes les directions, sauf vers l’objectif.

« Mais ils sont bien plus nombreux que ceux que j’ai maintenant.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.