Jefferson by Jean-Claude Mourlevat

Auteur:Jean-Claude Mourlevat
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Gallimard Jeunesse
Publié: 2021-02-23T00:00:00+00:00

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À la réception de l’hôtel Majestic, un présentoir à journaux était mis à la disposition des clients et, en descendant au petit déjeuner, les animaux eurent la bonne surprise d’y trouver La Trompette. Elle datait certes de la veille, mais ils se précipitèrent dessus, curieux d’avoir des nouvelles du pays. L’affaire Défini-Tif faisait toujours la une. Mme Hild, l’épouse blaireau, fut la plus vive et, compte tenu de l’actualité, on lui laissa volontiers le privilège de la découvrir en premier.

– Écoutez, dit-elle d’une voix que l’émotion faisait trembler : En dépit de la présomption d’innocence qui doit prévaloir, la culpabilité de J B de la P, hérisson, ne fait plus guère de doute et beaucoup considèrent que sa fuite est un aveu. Quant à Mme Kristiansen, chèvre et témoin principal du drame, elle confirme et renforce ses premières déclarations (voir ci-dessous). Les funérailles de M. Edgar, blaireau, auront lieu demain et nul ne doute, compte tenu de la…

Prononcer le nom de M. Edgar lui noua la gorge et l’empêcha d’aller plus loin. Son mari prit le relais :

– Nul ne doute, compte tenu de la grande estime dont il jouissait dans notre ville, que l’assistance sera nombreuse.

Puis il passa à l’encadré et à Mme Kristiansen dont les témoignages quotidiens étaient devenus un véritable feuilleton.

– Je voulais fuir, mais il me barrait le passage vers la porte, les ciseaux ensanglantés à la main. Il a hurlé que c’était mon tour, il m’a traitée de « vieille bique », de « vieille carne », et il s’est jeté sur moi. Nous avons roulé par terre. Nous nous sommes battus au corps à corps. Je l’ai mordu. Je le voyais de près, il avait le diable dans les yeux. Je ne sais pas comment j’ai réussi à lui échapper.

La poule Clarisse, qui se trouvait à côté de Jefferson, lui souffla :

– Ça doit vous faire un drôle d’effet de savoir que l’assassin est… un hérisson, enfin je veux dire… quelqu’un comme vous.

Il haussa les épaules, fit une moue désolée, mais se garda bien d’ouvrir la bouche, d’abord parce qu’il n’avait aucun commentaire à apporter et surtout parce qu’il venait d’absorber une des ampoules de radis noir offertes par Simone et que, d’après Gilbert, ça lui donnait l’haleine de quelqu’un qui vient de manger ses chaussettes.

La conversation s’était prolongée tard au Blue Note. Vers une heure du matin, Hugo, le compagnon de Roxane, était venu les rejoindre et ils avaient évoqué longuement la mémoire de M. Edgar. Hugo avait expliqué qu’à leur avis, on l’avait exécuté chez lui, chez les animaux, parce que les commanditaires se fichaient royalement des enquêtes faites là-bas, alors qu’ici, à Villebourg, c’était autrement risqué pour eux, même si la victime était un blaireau.

Ils avaient ensuite raconté comment ils s’y prenaient pour faire les vidéos clandestines dans les abattoirs. Hugo en avait réalisé quelques-unes, la première en se faisant embaucher pour six mois dans le personnel, les autres en s’introduisant en cachette dans les établissements. Roxane en avait fait plusieurs aussi.

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