Jean-Christophe VI by Rolland Romain
Auteur:Rolland, Romain [Rolland, Romain]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
Éditeur: BEQ
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00
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Olivier ne tarda pas à lui donner dâautres inquiétudes.
Il était profondément honnête, comme elle, mais de volonté faible et dâintelligence trop libre et trop complexe pour nâêtre pas un peu trouble, sceptique, indulgente à ce quâil savait mal, et attirée par le plaisir. Antoinette était si pure quâelle fut longtemps avant de comprendre ce qui se passait dans lâesprit de son frère. Elle le découvrit brusquement, un jour.
Olivier la croyait sortie. Elle avait une leçon, dâordinaire, à cette heure ; mais, au dernier moment, elle avait reçu un mot de son élève, lâavertissant quâon se passerait dâelle aujourdâhui. Elle en avait eu un secret plaisir, bien que ce fussent quelques francs supprimés de son maigre budget ; elle était très lasse, et elle sâétendit sur son lit : elle jouissait de pouvoir se reposer un jour sans remords. Olivier rentra du lycée ; un camarade lâaccompagnait. Ils sâinstallèrent dans la chambre à côté, et se mirent à causer. On entendait tout ce quâils disaient : ils ne se gênaient point, croyant quâils étaient seuls. Antoinette écoutait en souriant la voix joyeuse de son frère. Mais bientôt, elle cessa de sourire, et son sang sâarrêta. Ils parlaient de choses brutales, avec une crudité dâexpressions abominable : ils semblaient sây complaire. Elle entendait rire Olivier, son petit Olivier ; et de ses lèvres, quâelle croyait innocentes, sortaient dâobscènes paroles, qui la glaçaient dâhorreur. Une douleur aiguë la perçait jusquâau fond de son être. Cela dura longtemps : ils ne pouvaient se lasser de parler, et elle ne pouvait sâempêcher dâécouter. Enfin, ils sortirent ; et Antoinette resta seule. Alors, elle pleura : quelque chose était mort en elle ; lâimage idéale quâelle se faisait de son frère â de son enfant â était souillée : câétait une souffrance mortelle. Elle ne lui en dit rien, quand ils se retrouvèrent, le soir. Il vit quâelle avait pleuré, et il ne put savoir pourquoi. Il ne comprit pas pourquoi elle avait changé de manières à son égard. Il fallut quelque temps, avant quâelle se ressaisît.
Mais le coup le plus douloureux quâil lui porta, ce fut un soir quâil ne rentra pas. Elle lâattendit toute la nuit, sans se coucher. Elle ne souffrait pas seulement dans sa pureté morale ; elle souffrait jusque dans les retraites les plus mystérieuses de son cÅur â ces retraites profondes, où sâagitent des sentiments redoutables, sur lesquels elle jetait, pour ne pas voir, un voile, quâil nâest pas permis dâécarter.
Olivier avait voulu surtout affirmer son indépendance. Il revint, au matin, se composant une attitude, prêt à répondre insolemment à sa sÅur, si elle lui faisait une observation. Il se glissa dans lâappartement, sur la pointe des pieds, pour ne pas lâéveiller. Mais, quand il la vit, debout, lâattendant, pâle, les yeux rouges, ayant pleuré, quand il vit quâau lieu de lui faire un reproche, elle sâoccupait de lui en silence, préparait son déjeuner, avant son départ pour le lycée, et quâelle ne lui disait rien, mais semblait accablée, et
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