Jane Austen et le révérand by Stephanie Barron

Auteur:Stephanie Barron [Barron, Stephanie]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Je venais de regagner la cour devant le corps de ferme, et commençais à m’armer de courage pour entreprendre le pénible chemin du retour vers Wings Cottage, lorsque j’aperçus un étrange attelage arrêté devant la porte de la Grange. Un homme dont l’allure était celle d’un gentleman se tenait un peu en retrait, l’air maussade, près des têtes des chevaux. Je n’avais pas plus tôt fait cette observation que la porte s’ouvrit en grand, livrant passage à un groupe d’hommes qui encadraient Sidmouth. Ce dernier frémissait de colère et son maintien révélait que sa dignité avait été offensée ; si cela n’avait pas suffi à me faire comprendre qu’on l’embarquait de la sorte contre son gré, je l’aurais assurément deviné en voyant que les quatre solides gaillards lui maintenaient les bras et les poignets. Dans le sillage du triste cortège, arriva Mary, la bonne, qui tordait anxieusement son tablier entre ses mains.

— Mr Sidmouth ! m’écriai-je, atterrée. (Il croisa mon regard d’un air contrit et indigné, qui coupait court à tout discours.) Que s’est-il donc passé ? m’enquis-je auprès de l’homme à l’écart près de l’attelage. (il leva les yeux vers moi de mauvaise grâce, et sembla hésiter à me répondre.) Je suis miss Jane Austen, une amie de la cousine de Mr Sidmouth, mademoiselle LeFèvre.

Les yeux du gentleman quittèrent mon visage pour se fixer derrière moi. Je me retournai et vis qu’il s’agissait de Séraphine, qui arbora une expression terrifiée en découvrant Sidmouth.

— Geoffrey ! s’exclama-t-elle. Qu’est-ce que tout cela* ?

En la voyant, mon interlocuteur recula d’un pas et s’inclina.

— Mademoiselle LeFèvre, je présume.

Séraphine le gratifia d’un regard des plus féroces et se précipita vers Sidmouth, que ses zélés ravisseurs l’empêchèrent d’approcher.

— Des explications, pour l’amour de Dieu ! lançai-je, exaspérée.

— Mr Dobbin, à votre service, madame, fit le gentleman en ôtant son chapeau d’un grand geste. Je suis le juge en poste à Lyme, et je me trouve présentement à High Down en cette qualité.

— Mais qu’est-ce que vous voulez à mon cousin ? intervint Séraphine avec colère.

— Mr Sidmouth est arrêté comme suspect dans l’affaire du meurtre du capitaine Percival Fielding, et il sera détenu à la prison de Lyme jusqu’à l’enquête de mercredi prochain.

Mademoiselle LeFèvre eut un spasme d’horreur et jeta un regard angoissé à Sidmouth. J’eus presque l’impression que par ce seul regard elle faisait l’aveu que Sidmouth eût pu tuer pour elle ; et je ressentis profondément toute l’atrocité du regret et de la culpabilité qu’elle devait éprouver. Je craignais grandement que Mr Dobbin n’interprétât comme moi le reflet si expressif de ses yeux. Son cousin, lui, affichait une gravité hautaine, qui ne laissait rien paraître – ni émotion devant les doutes de Séraphine, ni confirmation de sa culpabilité.

— Et sur quel fondement venez-vous l’arrêter de la sorte ? demandai-je hardiment à Mr Dobbin.

Le fait d’avoir déjà vécu ce genre de situation où des amis se trouvaient injustement accusés – comme récemment au manoir de Scargrave – me donnait le courage d’affronter la loi. Le visage du juge se ferma.

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