Innocents by Anne Cassidy

Auteur:Anne Cassidy [Cassidy, Anne]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

16

Quand je rentrai, mon père se trouvait à la cuisine. Il lisait des journaux et des prospectus éparpillés sur la table. Baissant les yeux, je captai quelques mots-clés : Aide juridique, Votre Avocat, Court d’Assises : ce que vous devez savoir.

— Tout ira bien, déclara-t-il.

— Tout ira bien ?

Je m’assis en face de lui. Du tranchant de la main, il lissait les pages. Une odeur inhabituelle flottait, un parfum aux fleurs. Ma mère était venue là, s’était peut-être assise dans cette même chaise. Une musique assourdie s’échappait de la chambre de Brad, au-dessus.

— Nous avons un bon avocat. Selon lui, la police ne pourra pas prouver qu’il y a eu homicide. Au pire, elle l’accusera de dégradation volontaire.

Je me mis à penser à Denny. Il avait pratiquement dit la même chose. Ce qui aurait dû me rassurer, mais curieusement, ce n’était pas le cas.

— Tout va s’arranger, affirma mon père en mettant de l’ordre dans ses papiers.

Un post-it orange apparut. Je lus les mots à l’envers : De la part de Max Robbins.

— Mais quelqu’un est mort ! lui rappelai-je.

Je regardai mon père avec insistance, dans l’espoir qu’il prononcerait des paroles réconfortantes. Il haussa les épaules comme pour dire : Je ne sais pas.

— Ça aurait pu être toi. Tu prends parfois la M25 pour aller travailler.

— C’est une tragédie, Charlie. Mais cela ne signifie pas que Brad doive être inculpé. Il a dit qu’il n’avait rien fait, tu te souviens ?

— Mais… tu ne le croyais pas.

— Je n’ai pas dit ça… Quoi qu’il en soit, je dois l’aider, Brad est mon fils.

Je hochai la tête. Il n’y avait pas grand-chose à ajouter. Mon père ouvrit la bouche mais il se ravisa. Peut-être voulait-il me parler de ma mère. Ne voulant pas savoir ce qu’elle pensait de cette histoire, je montai prendre une douche.

Je voulais me nettoyer de cette journée. Je pris une serviette-éponge et entrai dans la salle de bains, ignorant mon frère et la musique très rythmée qui sortait de sa chambre. Je restai longtemps sous la douche, dont le jet puissant semblait me forer le dos. Puis je me séchai et me postai toute nue devant le miroir.

J’avais un corps long et blanc. Un corps de garçon. Des seins minuscules et plats, les côtes saillantes. Des jambes tout en longueur, le ventre concave. On aurait dit que j’avais besoin d’un bon repas. Le corps de Denny me revint à l’esprit. Il était trapu, solide. Ses cuisses étaient musclées et ses hanches, son dos, paraissaient puissants. Son torse et ses jambes étaient noirs de poils soyeux. Il avait un corps d’homme. Comment trouvait-il le mien ? Essayant de me voir à travers ses yeux, je remontai mes seins pour former un décolleté et j’avançai une jambe devant l’autre, comme si je posais devant un photographe. Puis j’examinai mon reflet d’un œil impatient. Quand allais-je ressembler à une femme ?

Est-ce que Denny me désirerait davantage quand cela arriverait ?

Denny avait raison au sujet de Brad. C’est un homme, maintenant.

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