IMPRESSIONS DE VOYAGE EN SUISSE TOME 1 by Alexandre Dumas

IMPRESSIONS DE VOYAGE EN SUISSE TOME 1 by Alexandre Dumas

Auteur:Alexandre Dumas [Dumas, Alexandre]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Du Mont Blanc à Berne
Éditeur: Les Bourlapapeys bibliothèque numérique romande
Publié: 2012-07-07T20:36:00+00:00


XVI

Aventicum

Le lendemain, à la pointe du jour, nous allâmes visiter la chapelle de Saint-Bruno. Elle est située à une demi-lieue au-dessus de la Chartreuse, sur la pointe d’un rocher à pic ; elle n’offre de remarquable que le pittoresque des localités et la hardiesse de sa situation. À l’intérieur, de mauvaises peintures à fresque représentent six généraux de l’ordre et, à l’extérieur, au-dessus de la porte, est gravée cette inscription dont la dernière phrase ne m’a point paru parfaitement intelligible. Je la rapporte ici telle qu’elle est :

SACELLUM

SANCTI BRUNONIS

____

HIC EST LOCUS IN QUO

GRATIANOPOLIS EPISCOPUS

VIDIT DEUM

SIBI DIGNUM CONSTRUENTEM

HABITACULUM

En descendant de la chapelle, nous entrâmes dans une petite grotte où coulent, près l’une de l’autre, deux sources : l’une est presque tiède, l’autre est glacée.

Le chemin par lequel nous revînmes est d’un caractère grand et sauvage. Je m’arrêtai pour admirer un de ces sites et faire remarquer à mon compagnon de voyage combien cet endroit semblait disposé par la nature pour qu’un peintre en fît, sans y rien changer, un admirable paysage. Mon guide se mit à rire. Comme il n’y avait rien de bien comique dans ce que je disais, et que ce n’était pas même à lui que j’adressais la parole, je me retournai pour lui demander quels étaient les motifs de son hilarité.

– Ah ! me dit-il, c’est que votre réflexion me rappelle une drôle d’aventure.

– Qui s’est passée ici ?

– À l’endroit même.

– Peut-on la connaître ?

– Certainement, il n’y a pas de mystère. Elle est arrivée à un paysagiste de Grenoble qui était venu ici pour faire des peintures, garçon de talent, ma foi ! Il avait trouvé cet endroit-ci à son goût, il y avait établi sa petite baraque ; c’était drôle, on ne peut pas plus. Imaginez-vous une tente fermée, avec une ouverture seulement par en haut. Il établissait une mécanique qui bouchait le trou, de sorte que le jour entrait par des miroirs, si bien que je ne sais pas comment ça se faisait, mais tout le pays, à cinq cents pas environnant, se réfléchissait tout seul et en petit sur son papier. Il appelait cela une chambre, une chambre…

– Obscure ?

– C’est cela. En effet, une fois dans la petite baraque, on ne voyait plus ni ciel ni terre, on ne distinguait plus que le paysage représenté au naturel sur le papier, avec les arbres, les pierres, la cascade, enfin tout ; si bien que, quand il ne faisait pas de vent, j’aurais pu dessiner les arbres aussi bien que lui, quoi. Voilà donc qu’un jour qu’il était dans sa machine, piochant d’ardeur, il voit dans un coin de son paysage quelque chose qui remue. Bon, qu’il dit, ça animera le tableau. Alors, comme il voulait dessiner la chose qui remuait, le voilà qui regarde, qui regarde, et puis qui se frotte les yeux. Savez-vous ce que c’était qui remuait dans un coin du paysage ?

– Non.

– Eh bien ! c’était un ours, pas plus gros qu’une noisette, c’est vrai, parce que la diable de glace, ça rapetisse tout, mais d’une belle taille tout de même, considéré du dehors.



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