Hors jeu by Montalbán Manuel Vázquez

Auteur:Montalbán, Manuel Vázquez [Montalbán, Manuel Vázquez]
La langue: fra
Format: epub
Tags: policier, Lang:fr, Enquête de Pépé Carvalho
Publié: 2012-04-29T14:03:47+00:00

— Hein ! Lui appliquer la loi antiterroriste après tout le bordel qu’il y a eu autour de El Nani(21) ? Vous n’y pensez pas, Lifante ? Arrêtez vos analyses de contenu. Amenez-moi le gamin. Il est présentable ?

— Il sort de la douche.

— Avec la déposition signée et prêt à partir ? Attention, pas de blague.

Pendant qu’on exécutait ses instructions, il retourna dans la pièce où se trouvait Marta.

— Assieds-toi, dit-il sans la regarder.

Elle lui lança un regard incrédule.

— Assieds-toi, bon Dieu. Tu m’entends. Inutile de résister. Tout est clair.

Marta s’assit. Elle ressentit un soulagement et en même temps une douleur terrible au milieu de dos. La porte s’ouvrit et Marçal apparut, suivi de deux inspecteurs. Il tenait un sac en plastique à la main. Il avait l’air frais et une lueur de drogué brillait dans ses yeux.

— Bon. Tout le monde est là. Ce garçon s’en va. Il est en règle et il s’en va. Donne-lui sa déposition, Lifante. Tiens, voilà la déposition de ton collègue. Lis-la.

Elle la lut sans la lire. Elle acceptait tout, tout ce que Contreras voulait. Lui, il se retrouvait dans la peau d’un petit agneau passif qui l’avait suivie sans se rendre vraiment compte de ses actes. Elle reposa le document sur le bureau et voulut penser, mais elle n’y arrivait pas. Elle n’était que fatigue.

— Lui, il va au tribunal. Là-bas, son papa va payer une caution et ce soir ou demain, retour au bercail, tout pimpant, guilleret, innocent… et toi tu restes comme une conne. Tu vois, petite, nous savons tout. Même le coup de la patronne de la pension. Qu’il s’en aille.

On l’emmena. Elle attendait qu’il dise un mot, qu’il résume d’une phrase dix ans de vie commune, dix ans de fuite en avant. Elle savoura l’expression, comme si elle savourait un relent de culture qui lui remontait à la bouche, mal digéré par un estomac malade. Fuite en avant. Contreras paraissait détendu.

— Je ne l’ai pas tué.

Contreras lui montra la déposition de Marçal.

— Ça, c’est aux avocats d’en décider. Tu signes et tu dégages. Tu seras en règle et moi aussi. Tout le reste, c’est l’affaire des avocats et des juges. Tu verras, tu t’en sortiras. Une fois hors d’ici, tu te sentiras mieux. Le commissariat fatigue plus que la prison, crois-moi, je passe mes journées dans un commissariat. Tu signes ?

— Allons-y.

— Tu veux quelque chose ? Un café au lait ? Du solide ? On te monte un sandwich de la cafétéria ? Un croissant ?

— Un croissant.

Contreras lui posa la main sur l’épaule en passant à côté d’elle. Elle resta seule, jouissant de la chaise comme si elle était dans un lit douillet et chaud, à l’abri du froid qui la pénétrait jusqu’aux os. Elle était restée dix ans sans dormir. Debout, attendant sa propre destruction, sans dormir, et maintenant elle était là, sa destruction, elle l’enveloppait, et Marçal était parti pour toujours. Il rentrerait chez lui, tenterait une nouvelle désintoxication et ça marcherait peut-être, cette fois, car ce petit salaud, grandi sous sa peau comme un parasite, ne pourrait plus la rejoindre.

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