Histoire de La Guerre by John Keegan

Auteur:John Keegan [John Keegan]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Perrin
Publié: 2014-02-06T23:00:00+00:00

Les Mongols

On ne peut expliquer aisément pourquoi les Mongols, un peuple de cavaliers issu de la steppe et semblable à ceux qui avaient ouvert, avant eux, les routes de l’invasion, dépassèrent tous leurs prédécesseurs par l’étendue et la rapidité de leurs conquêtes. Aucune campagne menée par un seul peuple n’a jamais réussi à placer sous sa domination militaire un espace aussi étendu. Entre 1190, quand Temudjin, connu plus tard sous le nom de Gengis Khan, commença à unifier les tribus mongoles, et 1258, date à laquelle son petit-fils enleva Bagdad, les Mongols envahirent successivement la Chine du Nord, la Corée, le Tibet, l’Asie centrale, l’État de Kharezm en Perse, le Caucase, l’Anatolie turque, les principautés russes et lancèrent des incursions dans le nord de l’Inde. De 1237 à 1241, ils ravagèrent la Pologne, la Hongrie, la Prusse-Orientale et la Bohême, en poussant des pointes jusqu’à Vienne et Venise. Ils ne se retirèrent d’Europe que lorsque leurs armées apprirent la mort du fils et successeur de Gengis Khan. Sous la conduite de ses descendants, ils poursuivirent leurs conquêtes, occupant bientôt toute la Chine où Kubilaï Khan, petit-fils de Gengis Khan, fonda la dynastie Yuan qui régna jusqu’à la fin du XIVe siècle. Ils contrôlèrent de larges parts de la Birmanie et du Vietnam d’aujourd’hui, tentèrent, quoiqu’en vain, d’envahir le Japon et Java, et poussèrent leurs incursions jusqu’en Inde. C’est là qu’en 1526, Babur, un descendant de Gengis Khan, fonda l’Empire moghol. Le titre d’impératrice des Indes conféré à la reine Victoria en 1876 dérive donc directement de cette conquête moghole, trois cent cinquante ans plus tôt, ainsi que des ambitions de Gengis Khan. On dit qu’à la veille de partir pour sa première campagne, en 1211, il sortit de sa tente après avoir communiqué avec le ciel et déclara à son peuple : « Le ciel m’a promis la victoire71. »

Toutefois, ce n’est pas vers l’Inde que les Mongols se dirigèrent en premier, mais vers la Chine, car ils vivaient à la lisière de cet empire. Depuis l’époque de la première unification sous les Qin, au Ier millénaire avant J.-C., les dynasties chinoises avaient toujours été menacées et souvent détrônées par des peuples vivant au nord du fleuve Jaune. Avec le temps, elles élaborèrent un système à deux niveaux pour faire face à ces incursions. Les souverains chinois utilisèrent la Grande Muraille, d’abord consolidée par les Qin, puis fréquemment rebâtie, comme ligne de démarcation entre la civilisation et le nomadisme. Ils encouragèrent les populations frontalières à défendre les régions qu’elles occupaient. Inévitablement sinisées par leurs contacts avec les marchands, les fonctionnaires et les soldats chinois, ces populations étaient directement récompensées de leurs services par l’assurance d’une protection, des subsides et des concessions territoriales (parfois à l’intérieur de la Grande Muraille). Si cette première ligne de défense était enfoncée, les souverains comptaient sur la supériorité de la civilisation chinoise et sur ses attraits pour désarmer à long terme les envahisseurs. Cette politique était fondée sur une série d’hypothèses admettant toutes la suprématie des institutions et de la culture chinoises ainsi que la disposition des Barbares à les adopter.

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