HELLFIRE OR by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2013-02-17T16:33:45+00:00

II

La gloire souleva sa jupe pour le dernier fils sauvage. Tout au long de l’été, les jours brûlants du Sud succédèrent aux nuits brûlantes du Sud et le son de Whole lotta shakin’ goin’ on se fit toujours plus fort et plus menaçant. Il était partout, éclatant, comme un coup de tonnerre sans pluie, dans les voitures, les bars et toutes les fenêtres ouvertes des réprouvés. Son rythme maudit dévorait la jeunesse du pays. Il ensanglantait les vierges et rappelait aux jeunes ménagères le souvenir de choses dont elles ne parlaient jamais. Il donnait envie aux garçons de se réinventer pour devenir de nouvelles créatures flamboyantes, et de se mettre sans répit en quête de détumescence.

A la fin du mois de juillet, Whole lotta shakin’ goin’ on s’était vendu à près de cent mille exemplaires. Alors les ennuis commencèrent. Beaucoup de gens avaient peur de la chanson et de celui qui la chantait. Même ceux qui aimaient bien Elvis étaient nombreux à rejeter Jerry Lee, qui leur apparaissait comme un individu lubrique et méchant. Les mères reniflaient son ignoble présence dans le linge de leur filles, et les prédicateurs se dressaient devant leurs ouailles, se répandant en invectives contre lui et sa chanson qui incitait au péché. Progressivement, les stations de radio commencèrent à bannir le disque des ondes, et on l’entendit de moins en moins.

Judd Phillips, frère de Sam et directeur commercial de Sun, emmena Jerry Lee à New York et le présenta à Henry Frankel, directeur artistique de la chaîne de télévision NBC, et à Jules Green, l’imprésario de Steve Allen. Ils firent auditionner Jerry Lee devant Allen, et ce dernier l’invita immédiatement à se produire dans son émission. Judd fit alors expédier Whole lotta shakin’ goin’ on en grandes quantités chez tous les détaillants du pays. Le pari était risqué car, si la prestation de Jerry Lee dans le Steve Allen Show se soldait par un échec, ces montagnes de disques retourneraient chez Sun, Sam devrait accuser le coup, et il lui faudrait peut-être mettre la clé sous la porte.

Le Steve Allen Show du dimanche 28 juillet s’ouvrit sur un numéro de Shelley Winters et Anthony Franciosa, dans lequel Franciosa réitérait sa demande de mariage à Winters. (Les deux acteurs étaient mariés depuis trois mois.) Jerry Lee attendait dans les coulisses, entendait les rires du public, et il se demandait peut-être comment le public réagirait si lui, Jane et ses frères se trouvaient là, à la place des deux tourtereaux. Puis The Four Coins (“les Quatre Pièces de Monnaie”) montèrent sur scène ; Jerry Lee les écouta, et il sut que ces garçons avaient grandi très loin de la Grande Maison de Haney. Vint ensuite une Miss Etats-Unis qui avait été disqualifiée lorsqu’il s’avéra qu’elle était une Madame. Enfin, cinq minutes à peine avant la fin du spectacle, Jerry Lee reçut le signal. Il s’assit devant le piano à queue et regarda la caméra de biais, avec les mêmes yeux qu’il avait en regardant les filles dans

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