Grâce leur soit rendue by Nobécourt Lorette

Grâce leur soit rendue by Nobécourt Lorette

Auteur:Nobécourt, Lorette [Nobécourt, Lorette]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature, Télérama TT, Critique, ++++++
Éditeur: Grasset
Publié: 2011-09-07T21:00:00+00:00


— Je suis sûre que l’heure venue, tu ne te poseras même pas la question.

— J’ai compris que nous sommes tous, à un moment donné, cet autre dont l’existence semble enviable à autrui, et même si nous n’avons pas les mêmes incertitudes ni les mêmes questions, nous partageons tous l’expérience d’une absence de réponse.

Comment pourrait-elle expliquer à Alejandra cette vie mystérieuse et imparfaite qu’elle vivait à Rome, retirée en elle-même à une profondeur telle que personne ne songeait à venir l’y chercher. Ce n’était pas la réalité qui lui plaisait, ou ce n’était que cela. Ou peut-être le souvenir, l’imagination, ou l’anticipation de celle-ci, de sorte qu’elle n’était jamais plus heureuse que seule, se souvenant, imaginant ou anticipant. Mais elle ne dit rien de tout cela.

— Est-ce que Milena et Augustino ont le désir de changer le monde comme leur père ?

— Leur jeunesse est pleine d’espérance et de poésie, ils se préparent, chacun à sa manière, à vivre une vie souveraine et splendide, à s’immerger dans la puissance du monde. Cette vie qu’ils n’ont pas cessé de rêver, ils l’imaginent large, ouverte, lumineuse. Pourtant, je sais qu’ils devront accepter un jour que leur rêve ne s’incarnera jamais comme ils l’auraient souhaité. Ils devront accepter que la vie ne soit pas à la hauteur de leurs attentes, ils découvriront finalement que la réalité est cet espace trivial et parfois triste où les gestes ne sont pas les intentions, où les mots ne disent pas ce qui est pensé. Ils seront obligés de l’accepter sans quoi ils seront réduits à devenir lentement amers. Accepter, c’est la seule façon, je crois, d’éviter que la vie ne devienne « une oasis d’horreur au milieu d’un désert d’ennui ». Parce que je vois bien qu’ils confondent encore la jeunesse et la vie, ils croient encore qu’à la différence de toi ou de moi, de tous les adultes qu’ils ont rencontrés, ils réussiront, eux, là où nous avons tous échoué. Je me demande avec quels mots je pourrais les accompagner au moment où ils comprendront que chaque vie se résume à l’acceptation d’un naufrage.

— Mais il dépend de chacun, Marina, d’en organiser la splendeur.

— Mais de quelle splendeur parles-tu, Ale ? Jaime Semprun est mort. Le monde va vite. Et je ne vois pas quelle révolution nous pourrions inventer.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.