François Le Petit (Grasset, 6 janvier) by Rambaud Patrick

François Le Petit (Grasset, 6 janvier) by Rambaud Patrick

Auteur:Rambaud, Patrick [Rambaud,Patrick]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782246860198
Éditeur: Grasset
Publié: 2016-01-28T16:00:00+00:00


Mademoiselle Julie avait dix ans de moins que la marquise de Pompatweet, laquelle, quand elle s’enamoura de François-le-Flambeur, avait dix ans de moins que l’archiduchesse des Charentes. Ainsi allait la vie chez les hommes vieillissants qui sentaient la rouille manger leurs os ; ils avaient l’impression rassurante de rajeunir au contact de compagnes plus jeunes que la précédente, et tant pis si la différence des âges se creusait chaque fois davantage. Mon prestige, pensaient-ils, contribue à ce qu’on oublie mes cheveux teints.

Nous comprîmes soudain les infimes mystères et les petits mensonges du Prince. Lorsque la marquise était en Grèce et qu’il ne la rejoignit point, il trouva l’excuse d’un déplacement officiel à Auch, où il parla d’économie, pour gagner en hélicoptère le château de Cadreils, à Berrac dans le Gers ; il y déjeuna à la table des parents de Mademoiselle Julie qu’il connaissait en intime. Elle, il la rencontra encore en août, comme par hasard au marché de Tulle, et assista avec elle à un concert du festival de Brive-la-Gaillarde. Une autre fois, comme il passait dans sa maison de Mougins, il l’emmena dîner à la chandelle au Saint-Pétersbourg. Cela dura deux ans. Les portes claquaient. L’une entrait côté cour tandis que l’autre sortait côté jardin. L’amante se cachait dans l’armoire. On ne se voyait qu’en tapinois, sans souci des rumeurs qui s’amplifiaient dans les milieux artistes de la capitale.

Au soir de la révélation des turpitudes princières, Mademoiselle Julie n’assista point à la projection d’un film d’auteur qu’elle avait produit. Méfiante envers les zooms qu’elle devinait braqués en meute comme dans La Dolce Vita, elle se taisait et se terrait chez elle, au fond d’une impasse à l’est de Paris ; elle partageait un loft avec une cinéaste, pour y vivre en compagnie des deux enfants qu’elle avait eus d’un scénariste argentin. Là, il n’y avait pas de fenestrons mais un portrait de M. Samuel Beckett, sillonné de rides, pour rappeler le théâtre, et une peinture de la Vierge Marie dans la cuisine pour se souvenir qu’elle avait fréquenté une école catholique. Se cacher renforça sa réputation de femme indépendante qui se fichait bien du Château. Ce fut instantané : le grand public, qui ne l’avait jamais remarquée sur les écrans, posa sur elle mille questions que relayaient les gazettes légères ou sérieuses : Julie assume son nouveau destin, Qui est-elle vraiment ? Elle bouleverse la vie du Souverain, Une passion française, La vraie Julie, Julie aime le métro, Ma femme est une actrice, Julie la discrète, Julie la clandestine, Enquête sur le secret du Souverain… Mademoiselle Julie était partout et on ne la voyait nulle part, mais on sut toute sa vie dans les recoins et cela devait l’épuiser.

Sa mère était antiquaire et son père professeur en chirurgie digestive qu’elle accompagnait, enfant, à l’Institut mutualiste Montsouris où il soignait les démunis ; Julie fut donc bercée au social dès son plus jeune âge. Elle entra au collège à l’avènement du roi Mitterrand et accrocha à son revers la main jaune de Touche pas à mon pote.



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