Fiction 033 by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique, Nouvelles, SF
Éditeur: Opta
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Profitant du calme de l’heure, et peut-être encouragé par l’impression de fatigue générale, le professeur se mit alors à expliquer sa théorie. Depuis des heures elle s’édifiait dans son cerveau, méthodiquement et comme à son insu ; et elle l’obsédait à tel point qu’il éprouvait le besoin de la confier, même au risque d’être pris pour un fou. Il leur expliqua l’origine de chaque phénomène, et tous trois l’écoutèrent sans l’interrompre, vaguement hébétés, mais convaincus de la véracité de ses paroles. Ils observaient avec un mélange d’admiration et de stupeur son large front aux antennes flétries, son œil vert unique et les minces fentes allongées de ses narines, pareilles à de fines blessures.

Oui, leur temps ne devait point correspondre à celui des habitants de cette planète. L’humaine durée de ceux-ci était si rapide, si incroyablement brève, qu’elle ne durait, aux yeux de ces créatures venues d’une autre galaxie, qu’une minute ou deux. « Un de leurs siècles ne doit s’étendre que sur une dizaine de nos minutes, » dit le professeur, « ce qui explique pourquoi nous n’apercevons que des constructions durables, mais jamais de créatures que leur vitesse temporelle rend invisibles. » Oui, telle devait être la cause qui les avait empêchés d’apercevoir les habitants, qui leur avait donné l’impression d’observer presque simultanément des civilisations qui, en réalité, se succédaient à un rythme naturel.

Et maintenant s’estompaient l’extrémité de ces rues londoniennes, ces statues d’hommes d’État et de poètes oubliés ; maintenant s’adoucissait la vibration de la lumière, l’irrésistible envol des jours et des nuits. Et au-delà de ces squares et de ces grilles rouillées, se refroidissait, agonisait un soleil fugace ; fugace pour eux, dont le temps était si lent, si extraordinairement lent, et la vie si longue…

Lorsque le professeur se fût tu, tous se levèrent en silence, secouèrent de leur scaphandre une épaisse poussière, l’antique et terrestre poussière des âges, et regagnèrent leur sphère abandonnée aux portes de la ville.

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