Fantasia à l’Opéra by Stuart M. Kaminsky

Fantasia à l’Opéra by Stuart M. Kaminsky

Auteur:Stuart M. Kaminsky [Kaminsky, Stuart M.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782070492787
Google: JvI4PQAACAAJ
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 1991-03-14T23:00:00+00:00


9

Je chopai sur ma radio une retransmission par le service des armées d’un match Yankees-White Sox de l’été dernier. J’en avais oublié le score depuis longtemps. Je tirais le maximum de la Crosley tout en m’efforçant de faire le vide dans mon esprit. Di Maggio renvoya une balle qui lui permit d’avancer de deux bases et de faire rentrer deux points à la huitième manche. Le commentateur n’en pouvait plus. Je me perdis, car le révérend Souvaine m’avait donné des indications bidon.

Je traversai des rues saturées d’odeurs corporelles, de vapeurs d’essence et de relents de cuisine mexicaine. Si on avait du flair, on distinguait aussi l’odeur d’huile de friture. Tout ça ne semblait guère incommoder les passants, des latins basanés pour la plupart, auxquels un visage rond et rose, souvent plus âgé et empâté, venait se mêler de loin en loin. Je dépassai plusieurs boutiques aux enseignes rédigées en Polonais, notamment la boucherie Slotvony, qui annonçait fièrement sur un panneau écrit à la craie qu’aujourd’hui il y avait de la soupe au sang.

Je finis par tomber sur Las Lindas Road par hasard et trouvai mon numéro. Je cherchais une place pour me garer quand une silhouette vacillante se matérialisa devant mon auto. Heureusement, je roulais au pas, l’auto était petite, et sa cervelle devait être en congé sur la lune, sans quoi le gars y serait resté à coup sûr. Je me garai devant une bouche d’incendie, sortis mon .38 de la boîte à gants, le fourrai dans ma poche et sortis voir le gars que j’avais renversé.

— Ça va ? demandai-je en l’aidant à se relever.

Il puait horriblement, mais il n’était pas bien gros et je n’eus aucun mal à le remettre sur pied.

— Je suis paumé, dit le type.

— Je sais ce que c’est, dis-je.

D’une main, je fouillai dans ma poche, sortis mon portefeuille, et tirai un bifton au hasard. Cinq dollars. Quelle importance ? Je le glissai dans sa main.

— Depuis 1936, que ça dure, dit le clodo. Ça fait longtemps de ça ?

— Six ans, répondis-je.

Le gars secoua la tête et ramassa une vieille musette bleue tout élimée.

— Je sais toujours quel jour on est, dit-il. (Ses mains tremblaient un peu.) Mais pour les années, je me fous dedans. Tu m’as donné un talbin ?

— Cinq dollars, précisai-je.

— T’as pas l’air tellement en forme, toi non plus, dit-il en s’efforçant de fixer son regard sur moi.

J’entendis des gosses rigoler quelque part dans la ruelle ; rien à voir avec nous : ils riaient d’une manigance en cours derrière les palissades.

— Le diacre Ortiz a essayé de me faire la peau, dis-je.

— Jamais faire confiance à l’Église, dit-il.

Il s’assit sur le trottoir et se mit à contempler le billet que je lui avais filé.

— Tes sûr que ça va aller ? demandai-je.

— Je suis pas mort, dit le gars, et j’ai cinq dollars. C’est ça la vie : de temps en temps, sans prévenir, ça s’arrange pendant une heure ou deux.

— Amen.

— Attends, dit-il comme je me détournai pour aller chez Lorna. J’te connais.

— Je ne crois pas, dis-je.

— Tu t’appelles Peters, dit-il. Avant de perdre les pédales, j’ai bossé à la station-service de Santiago à Encino.



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