Escales forcées by Pierre Courcel

Auteur:Pierre Courcel [Courcel, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: FNA 487 (1972)
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

CHAPITRE XI

Dans le village, seuls quelques hommes et de rares femmes, deux seulement, trois en comptant Lira, firent sentir aux Terriens que rien n’était changé à leurs yeux. Les autres paraissaient les ignorer, mais toléraient leur présence.

Au cours de la journée, Burley eut l’occasion de se demander si Lira n’avait pas changé, elle aussi, vis-à-vis de lui.

Aussi attentive, sans doute, mais moins fanatiquement admirative, parut-il au garçon.

Il eut l’impression, à plusieurs reprises, de découvrir dans son regard clair une lueur critique qu’il n’y avait jamais découverte. Illusion, peut-être…

Pourtant, il s’attarda à plusieurs reprises sur l’expression de ses yeux qu’elle lui dérobait alors derrière le rempart de ses paupières ourlées de longs cils.

Cela lui conférait une allure plus avertie.

« Eh voilà ! se dit-il. J’étais paré pour elle du prestige de l’inconnu qui lui avait sauvé la vie… À présent, je suis un pauvre type, comme les autres… »

Ce pauvre type paraissait cependant toujours très au goût de Lira. Elle le lui prouva quand, le soir, après une morne et interminable journée, elle se donna très amoureusement à lui.

Quand elle dormit, profondément et calmement, lui ne parvint pas à trouver le sommeil, en proie à un malaise très différent de celui ayant agité sa nuit précédente.

Était-il pensable que Lira ait tellement changé en une seule journée ?

L’idée tourmentant Burley était bien propre à lui faire peur. Mais n’était-ce pas un moyen de tenter d’y voir clair si, par hasard, il ne se trompait pas ?

Dans ce cas, il n’y avait aucun instant à perdre.

Avec précaution, il se leva, prenant bien garde à ne pas éveiller Lira, sortit de la hutte et gagna rapidement celle de Gorsen qu’il dut secouer et qui se dressa avec vivacité sur sa couche.

— Hein ? fit-il.

— Chut ! souffla Burley.

— Que se passe-t-il ?

— J’aimerais que tu me donnes un peu de la « liqueur du sorcier ».

C’est ainsi qu’ils appelaient entre eux le liquide sombre administré aux deux chasseurs et paraissant avoir un effet euphorisant.

— La première fois que tu me tutoies…

— Excusez-moi, Gorsen.

— Continue, au contraire, ça me fait plaisir. Il faut, malgré tout, que tu te sentes bien remué. Pour qui, cette liqueur ? Lira ?

— Oui.

— Pourquoi ?

— Vérifier une impression. Elle a bien changé en peu de temps…

Gorsen se leva en grommelant à mi-voix :

— Je te connais, tu ne m’en diras pas plus. Malgré tout, que puis-je faire pour t’aider ?

— Uniquement surveiller la hutte et faire le guet pour voir si quelqu’un ne cherche pas à s’y introduire ou si Lira n’en part pas seule… Vite ! Le temps presse…

Gorsen alla prendre deux coquillages pleins du liquide brun qui s’était révélé être une drogue puissante.

— Une seule suffira. J’aimerais quand même avoir un autre coquillage vide…

— Selon toi, Lira serait tombée sous l’emprise de cette mystérieuse puissance ?

— Ce n’est pas exclu ! Maintenant, je dois la rejoindre…

Avant de remonter dans la hutte de Lira, Burley alla emplir d’eau le coquillage vide donné par Gorsen. Il dut faire de l’équilibre afin de grimper l’échelle.

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