Épître de la queue suivi de Douze séances salées by Mizrâ Habib Esfahâni

Épître de la queue suivi de Douze séances salées by Mizrâ Habib Esfahâni

Auteur:Mizrâ Habib Esfahâni [Esfahâni, Mizrâ Habib]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2-84335-207-X
Éditeur: Verticales
Publié: 2004-10-02T22:00:00+00:00


DOUZE SÉANCES SALÉES

de

Mohammad al-Hilli

SÉANCE DES RHUMATISMES

Lotfi al-Saqlâbi m’a raconté :

J’étais à Bagdad, affamé de luxure, sans un dinar et bandant dur : mon bâton, mes deux abricots pour toutes possessions, et rien dans les poches pour tâter du con ou me taper la cloche[1]. J’arrivai à Karkh, faubourg très animé, toujours affamé, sans avoir trouvé ni derrière à forer ni table où me restaurer. Hanté par la misère, dévoré par la faim, j’avisai alors l’échoppe d’un barbier : le propriétaire se tenait sur le seuil, son ventre rebondi touchait presque par terre. Il se frottait l’échine dans une grande douleur, se courbait, geignant qu’il n’en pouvait plus, en pleurs, il maudissait son dos et ses lombaires rompues, s’en prenait à Dieu, invoquait le Prophète : ses plaintes déchiraient le cœur et son affliction faisait peine à voir. Il criait, il geignait, s’arrachait les vêtements. Si cela continue, je suis perdu, gémissait-il. Mon négoce périclite, je suis si mal en point. Je peux à peine me tenir debout, et si je me repose, je ne gagne plus rien. Je devrai prendre un aide, et son salaire m’arrachera le cœur et achèvera ma ruine. Plutôt mourir de douleur que d’engager un coiffeur, le sacrifice mangerait le bénéfice. Mon fils veut se marier[2], et avant même ma mort, dépenser l’héritage ; tout se ligue contre moi, y compris les impôts. J’ai à peine de quoi payer la zakat[3] et m’acquitter des taxes ; les pauvres font des festins tandis que je me ruine ; devant la mosquée, à mes bons soins ils dînent ; ils restent tout le jour, allongés dans la cour, au frais dans l’ombrage, quand les artisans se tuent à l’ouvrage. Que Dieu protège les commerçants !

Il pensait plus à son écot qu’à son dos. Son mal était financier, le faisait délirer. Il avait besoin d’un traitement princier.

— Rends grâces à l’Éternel, barbier, mon cousin, dis-je, me voilà, tes maux sont terminés, ton oncle maternel m’envoie pour te soigner : je t’apporte un onguent qu’on fabrique à Damas, un baume miraculeux, une savante pommade. Je sais que tu es bien malade, que tu as vu sans succès tous les médecins de Bagdad. On t’ordonne le repos, te prescrit le lit et juste un cataplasme que t’applique ta femme, quand elle en a envie. Ou une décoction, un infâme breuvage qui à peine te soulage. Mais réjouis-toi, me voilà.

— Qui es-tu, et de qui es-tu parent ?

— Fils d’Abû Ali, petit-fils de Râzi[4]. J’ai étudié longtemps à la capitale[5], j’ai soigné les grands et guéri les puissants, avant de parcourir le monde et soulager les pauvres. Sur la voie du savoir j’ai parcouru l’Iran, dans les pas d’Alexandre, j’ai traversé l’Indus, et rejoint l’Hindoustan. À la Cour de Delhi, j’appris moult techniques, ignorées jusqu’ici de la thérapeutique : de retour au Shâm[6] je les mis en pratique.

— N’es-tu pas un autre charlatan ? J’ai vu tant de docteurs que je ne sais d’où vient ma ruine, si de la douleur ou de la médecine.



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