En route pour Tombouctou by Moussa Konaté

Auteur:Moussa Konaté [Konaté, Moussa]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: publie.net
Publié: 2013-04-24T22:00:00+00:00

CHAPITRE IX

Le lendemain matin, le commissaire Habib se rasait dans la salle de bain quand il entendit son téléphone portable sonner. Il n’était pas encore huit heures : qui pouvait l’importuner si tôt ? Il pensa à son épouse. Quelle ne fut sa surprise d’entendre Touré lui transmettre une invitation du gouverneur de Tombouctou à le trouver, seul, à son bureau à neuf heures. Le 4x4 passerait le prendre à l’hôtel quinze minutes plus tôt. Les imams et les notables auraient-ils exercé une forte pression sur le chef de l’administration régionale pour qu’il le convoquât à pareille heure, de surcroît à l’improviste ? Comme cela lui arrivait à des moments de grande irritation, Habib lança un juron.

Après une douche qui le calma quelque peu, il pénétra dans sa chambre et, machinalement, alluma son petit poste transistor qu’il écoutait chaque matin en s’habillant. Il fut consterné d’entendre les radios internationales commenter les tirs d’Alhadi visant Gérard comme un attentat manqué d’un groupe d’islamistes contre des touristes français à Tombouctou. Un communiqué du ministère français des Affaires étrangères réitérait sa mise en garde aux citoyens de ce pays désireux de visiter cette cité. Et cette information passait en boucle sur toutes les radios en question. Et entre deux rediffusions, un « spécialiste des mouvements terroristes dans le Sahara » prétendait analyser les événements qui « secouaient cette région d’Afrique ». Aucune station ne faisait mention de la prouesse de Sosso et Guillaume ni du résultat de l’enquête qui avait permis de démasquer l’unique tireur. Le portable sonna de nouveau. « C’était prévisible », se dit le commissaire en voyant s’afficher le numéro de téléphone de son domicile : ce ne pouvait être qu’un appel de son épouse. Affolée par les informations qu’elle venait d’apprendre, celle-ci demanda à son époux s’il était encore vivant. Difficile de ne pas sourire en entendant une telle absurdité. « Bien sûr, ma chérie, je suis vivant puisque je te parle, tenta-t-il de rassurer Haby que l’angoisse faisait bégayer. Non, non, ma chérie, ne t’inquiète pas, tout va très bien, la presse raconte des bêtises. J’ai un rendez-vous tout à l’heure et je te rappelle après. Embrasse les enfants. » Pauvre commissaire, car se succédèrent les appels d’Issa et du directeur de la Sécurité intérieure, tous inquiets de « la tournure des événements ». Une fois habillé, Habib s’assit sur son lit, pensif, les yeux baissés. Il se demandait s’il n’avait pas eu tort de revenir sur sa décision de démissionner. Comment continuer à mener des enquêtes dans de telles conditions ? Comment rester insensible à tant d’interventions inappropriées, anxiogènes, à tant de désinformations prises pour paroles d’évangile ? Comment réussir à se concentrer quand, à tout moment, il faut résoudre mille problèmes à la fois ? « Et pourtant, Habib, il va falloir continuer », lui susurra une petite voix. Le commissaire se leva de façon fort énergique et s’entendit dire : « Qu’ils fassent ce qu’ils veulent, les cons, ça ne m’arrêtera pas. » Il descendit au restaurant.

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