En montant plus haut by Andrea Salajova

Auteur:Andrea Salajova [Salajova, Andrea]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2072801834
Google: YZRvDwAAQBAJ
Éditeur: Gallimard
Publié: 2018-10-09T22:00:00+00:00

Olšanský ne dormait pas. Il n’avait pas osé partir à sa recherche, comme s’il sentait que, cette fois-ci, elle n’avait pas besoin de lui. Il était là, dans le noir, à l’attendre patiemment. Il ouvrit ses bras et elle s’y blottit, sans un mot. Elle tremblait. Il ne lui posa aucune question. Il la conduisit au lit, lui tint la main et lui chanta pendant un long moment une berceuse aux mots simples jusqu’à ce qu’elle s’endorme.

La femme de l’aubergiste, à quatre pattes, lavait de nouveau le sol de la salle à manger, avec son expression furieuse habituelle. La jeune Eva Šeptaková parlait avec ferveur, les joues rouges, les yeux étincelants :

— Nous vivons une époque magnifique ! Nous construisons le vrai socialisme ! Nous nous dirigeons vers le communisme, vers la liberté absolue !

Kohútová, muette, observait une coccinelle qui courait sur la table, pour éviter le regard ardent d’Eva.

L’auberge était vide en ce samedi matin. Olšanský s’était levé tôt et était parti avec la voiture. Elle ne lui avait pas demandé où il allait. Elle n’avait croisé ni Mandzák ni Smrek au petit déjeuner. À qui allaient-ils rendre visite aujourd’hui ? Elle devait connaître leurs faits et gestes si elle voulait garder un peu de contrôle sur sa situation, mais c’était comme si elle n’en avait rien à faire. Après son entrevue nocturne avec Mandzák, il lui apparaissait clairement que son destin l’emmenait droit vers l’échec. Alors, autant faire de cet échec quelque chose de magnifique, total et beau. Elle avait subi tant de défaites dans sa vie, elles avaient glissé sur sa peau sans l’atteindre. Sa tête restait froide, son cœur fermé. Elle songea qu’elle pouvait emporter dans sa chute Mandzák lui-même, puisqu’il affirmait que leurs vies étaient liées. Il ne s’agissait pas de vengeance, non. Mandzák était un individu très nuisible. En précipitant leur chute commune, elle épargnerait d’autres victimes. Ce serait peut-être ça, sa mission. Elle laissait ses pensées divaguer, pendant que la jeune fille, qui avait mis un pantalon et une casquette pour lui ressembler, continuait son envolée.

— Le communisme est invincible, c’est la seule société juste.

Eva était de plus en plus désemparée devant le mutisme de Kohútová.

— Je ne comprends pas tout, j’ai tellement besoin d’un guide. Ne pourriez-vous pas… Ah, il y a trop de choses…

Eva se cacha le visage dans les mains. Kohútová sourit pour la première fois.

— Tu es trop pressée, réagit-elle enfin.

— Mais je ne veux pas passer à côté de tout ! S’il y avait eu plus de gens comme vous, on aurait chassé les fascistes beaucoup plus tôt !

Kohútová fit une moue agacée.

— C’est vrai, n’est-ce pas ?

— La vérité, c’est qu’on se croit libre de choisir, mais on ne l’est pas toujours.

Eva Šeptaková ne la quittait pas des yeux. Elle semblait désorientée, perdue. Kohútová tenta de la sonder :

— Quels sont tes autres projets pour le village ? Une petite façade rouge ne suffit pas.

— Pour marquer les esprits, si.

Eva, toute contente que Kohútová s’intéresse enfin à elle, annonça :

— Je partirai d’ici dès que je pourrai.

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