Dieu bénisse l'Amérique by Safranko Mark

Dieu bénisse l'Amérique by Safranko Mark

Auteur:Safranko, Mark [Safranko, Mark]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: 13e Note
Publié: 2013-04-07T22:00:00+00:00


SIXIÈME PARTIE

53

Mes années de tribulations musicales ont fini par payer. J’avais accumulé cinq cents points à force de leçons et, en récompense, j’avais le droit de sélectionner un cadeau dans la vitrine de Chopin Music. Depuis longtemps, je convoitais un gant de base-ball Rawlings, et plus précisément le modèle Warren Spahn. Tous ceux qui fréquentaient l’établissement louchaient dessus, mais c’est moi qui l’ai emporté. Rentré chez nous, j’ai imbibé l’intérieur d’huile à moteur pour assouplir le cuir. Cette nuit-là, j’ai dormi avec le gant contre moi.

Tôt le lendemain matin, j’étais posté derrière la maison. Il y avait toujours moyen d’organiser un match dans la ruelle, même si c’était un couloir de trois mètres de large où une voiture pouvait à peine passer, et si elle était jonchée de cailloux, d’éclats de verre et de mauvaises herbes. Ce jour-là, mon équipe a perdu 10-9. À midi, tout le monde s’est dispersé. Il faisait trop chaud : trente-cinq degrés à l’ombre. Lorsque je suis arrivé à la maison, Bash faisait la gueule. Elle n’aimait pas me voir m’amuser trop ostensiblement.

— Où est ton gant tout neuf ?

J’ai regardé ma main gauche. Merde. Je n’en avais pas la moindre idée. Lorsque j’avais pris mon tour de batte, pendant la dernière manche, j’avais dû le laisser dans l’herbe.

Soudain, j’ai un mauvais pressentiment. Je ressors en courant.

Il n’y a personne dans la ruelle, pas un chat. Je fouille parmi le chiendent le long de la barrière de chez Peter Antoneshivic. Rien, pas de Warren Spahn, pas la moindre putain de trace. Ce gant n’a pas pu s’évaporer ? Je cherche encore, puis je traverse pour tenter ma chance de l’autre côté, sans plus de résultat.

Refusant de me rendre à l’évidence, je passe la ruelle au peigne fin. Quelle guigne ! Perdre mon cadeau dès le deuxième jour, c’est un comble !

Curieusement, au fond, je m’en fous si on me l’a fauché. C’est l’idée de rentrer bredouille qui m’inquiète.

Je réfléchis. Ah, Bash ne dira rien. Pourquoi en ferait-elle une histoire ? Elle ne voulait même pas que je prenne le Rawlings – elle avait repéré un bibelot pour la maison, une pendule en forme de locomotive miniature…

Elle m’attend lorsque je gravis les marches de la porte de derrière.

— Alors ? Tu l’as trouvé ?

— Non.

— Tu as cherché partout ?

Je hausse les épaules.

— Ne me dis pas que t’as perdu un gant à trente dollars dès le premier jour, alors que j’aurais pu avoir une horloge à la place ?

Je n’ai rien à répondre à ça.

Elle crache le feu.

— Ne me dis pas une chose pareille ! Comment est-ce que tu peux être aussi con ? Est-ce que tu fais jamais attention à rien, dupa ?

— Si, bien sûr. C’est une bêtise.

— Une bêtise ? Psia krew !

Pour une raison qui m’échappe, « sang de chien » est le pire juron du répertoire polonais.

— Maintenant, écoute-moi bien ! TU VAS RETOURNER CHERCHER CE FICHU GANT ET TU NE REMETS PAS LES PIEDS ICI AVANT DE L’AVOIR TROUVÉ !

Les voisins se pressent déjà contre leurs barrières pour profiter du spectacle.



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