Dictionnaire chic de philosophie by Frédéric Schiffter

Dictionnaire chic de philosophie by Frédéric Schiffter

Auteur:Frédéric Schiffter [Schiffter, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2015-02-22T05:55:11+00:00


I

IDENTITÉ

Mon arrière-grand-mère s’appelait Élisabeth Schiffter. Elle était tzigane. Elle venait de Hongrie. La petite communauté à laquelle elle appartenait s’implanta à la toute fin du XIXe siècle en Ariège, non loin de Daumazan. Élisabeth épousa un paysan du coin. Un type qui devait collectionner des préjugés à l’égard des Romanichels, mais un brave type quand même. Je n’ai jamais connu Élisabeth. Est-ce dommage ? Je n’en sais rien. Savoir que j’ai une aïeule rom ne me rend pas le peuple rom sympathique. Je n’ai aucune sympathie pour les peuples et je méprise les types ou les bonnes femmes qui se forgent une identité personnelle à travers une appartenance – des racines – ethnique ou culturelle. Mon peuple ceci, mon peuple cela, dit le Basque, ou le Corse, ou le juif, ou le Palestinien, ou le Breton. Et le Basque, le Corse, le juif, le Palestinien, le Breton, de sortir une spécificité folklorique. Un folklore représente pour moi le sommet du mauvais goût et, bien entendu, un peuple n’est qu’une abstraction idéologique. Personne ne serre jamais la main d’un peuple et il est faux de dire qu’on massacre un peuple. En revanche, on serre la main d’individus et on extermine des populations. Une population est composée d’individus différents ou semblables, qu’on peut classer selon des critères socio-économiques et religieux – qui, souvent, se recoupent. On en mesure les changements démographiques et on en observe les mutations sociales. Contrairement à un peuple, on ne prête pas d’âme ou de Volksgeist à une population. Une population, cela ne se traite pas avec des concepts concons de philosophie politique qui permettent, si je puis dire, de l’idéaliser ou de la stigmatiser. Les statistiques suffisent pour nous la faire connaître. Pour en revenir aux Roms en France, voilà une population qui fait l’objet d’une phobie nationale. À entendre les honnêtes gens, le « peuple » rom – quelques milliers de personnes disséminées sur le territoire – envahit et gangrène notre pays. Les Roms ne sont pas musulmans. Une chance pour eux. Le prolétaire, le cadre supérieur, l’entrepreneur, le plumitif de Causeur ou de Valeurs actuelles verraient dans ce ramassis de délinquants un vivier de terroristes. Sur la haine que suscitent ces nomades, Flaubert note que c’est celle « que l’on porte au bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine ». On sait que l’auteur du Dictionnaire des idées reçues tient que le bourgeois est celui qui pense bassement. J’apprends que 77 % de mes concitoyens approuvent les propos xénophobes du ministre de l’intérieur à l’égard des Roms. Les Français forment un peuple de bourgeois.



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