Deux cents chevaux dorés: roman by Georges Bordonove

Deux cents chevaux dorés: roman by Georges Bordonove

Auteur:Georges Bordonove [Bordonove, Georges]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782857043720
Google: YFcbAQAAIAAJ
Éditeur: Pygmalion-Gérard Watelet
Publié: 1992-09-14T22:00:00+00:00


V

Qu’est-ce qui me poussait à apprendre les noms, les symboles, la destination de ces dieux rustiques ? Était-ce curiosité d’esprit ou entraînement de cœur ? Sûr moyen d’abuser Chiomarra et son entourage, d’effacer ma maladresse à l’endroit d’Auscro, ou volonté de remplir jusqu’au bout la mission qui m’était confiée ? Et, aujourd’hui, quel besoin éprouvé-je de ressusciter ces idoles ? Peut-être parce qu’elles ont éclairé notre forêt de tendresse. Ou que je désire fixer tes souvenirs, faire revivre – oh ! certes imprudemment – ces ferveurs enfuies. Mais comment ? Et que puis-je d’ailleurs, sinon répéter des noms vides de sens, aussi nombreux que les arbres d’une clairière, que les hameaux autour d’Eponiacum, multiples et mouvants comme l’était l’âme celte ? Kernunnos, le dieu-cerf avec son serpent et sa touffe de gui, symbole de la fécondité sylvestre. Taranis, maître de la foudre, porteur de la roue solaire. Esus, que l’on représentait sous la tunique des druides, serpette à la main, moissonnant le gui sacré, patron des menuisiers et des boisilleurs. Épona qui protégeait les chevaux et les cavaliers et dont la ville d’Eponiacum avait tiré son nom. Et aussi Belen, frère de notre Apollon, et Teutatès, père de ta tribu, héros divinisé, puis Rosmerta, la providence, Rudiobos, le dieu-cheval, Damona, la génisse, Borvo, dieu des sources, sans compter une infinité de génies intermédiaires et de bêtes fabuleuses : le taureau à trois cornes, l’homme à l’oreille de cervidé, le serpent à tête de bélier.

La vie des humbles s’exaltait à ce mystérieux voisinage. L’acte le plus infime prenait une signification insoupçonnée, s’incorporait au grand rythme de la nature. De la sorte les travaux journaliers, les plaisirs, devenaient amour. Les dieux n’étaient exceptés d’aucun moment de l’existence : ils présidaient aux épousailles, aux repas, au sommeil, aux naissances, aux voyages, à la guerre, à la peine, à la joie, à la mort. Les mois, les jours eux-mêmes avaient un sens supraterrestre. C’est peu de redire avec César : « Tout le peuple gaulois est très religieux » ; il était pétri de divin. À ce point que les lâches ne tremblaient que modérément lorsque survenait le dieu porteur du maillet fatal. La mort n’était pas pour eux une conclusion affreuse et définitive, mais une libération, un envol. Dès lors pourquoi l’eussent-ils redoutée ? À l’image des saisons, l’homme passait, pour renaître dans un éclat renouvelé.

— Les ombres, enseignait le druide Diviacus, ne regagnent pas les demeures du silence, ni les royaumes sous la terre. Le même génie qui les a extraites du néant, les pousse vers les Îles, très loin, sur les flots salés de la mer. Et de là, emportées, ainsi que des oiseaux, elles atteignent le monde sidéral. La mort n’est que le milieu de la vie…

Cette voix creuse résonne dans ma mémoire, comme si elle sortait de quelque sépulcre. Je revois, dans la longue salle basse, autour de ce vieil homme, une couronne de visages attentifs. Sa tunique égalait en blancheur la broussaille de sa barbe et de sa chevelure.



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