Des clairons dans l'après-midi by Haycox Ernest

Des clairons dans l'après-midi by Haycox Ernest

Auteur:Haycox, Ernest [Haycox, Ernest]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature américaine, Western
ISBN: 9782330025038
Éditeur: Actes Sud
Publié: 2015-07-24T21:39:56+00:00


11

LE SOUVENIR D’UNE FEMME

Shafter regagna Fort Lincoln treize jours après l’avoir quitté. Il déposa le courrier et les dépêches. Il avait rapporté de Fargo un tonneau de pommes, une denrée rare sur la frontière. Il en laissa la moitié dans le baraquement ; le reste, il le divisa en trois sacs : il en apporta un à Mme Moylan et un autre à l’épouse du lieutenant Smith. Les deux femmes lui furent sincèrement reconnaissantes. Mme Smith regarda les pommes, en prit une et la posa contre sa joue.

— Quand j’étais enfant à New York, sergent, je faisais ce geste pour ôter le froid de l’hiver. Nous avions un grand cellier à l’extérieur de la maison, avec des casiers pour les pommes et les pommes de terre. Parfois, la neige était tellement épaisse dehors qu’il fallait creuser un passage jusqu’au cellier.

Elle regardait au-delà de Shafter ; cette vision, d’une très grande précision, la replongeait dans ses jeunes années.

— Le soir autour d’un grand feu, nous mangions des pommes, des noix et des raisins que l’on séchait nous-mêmes. Nous étions huit, huit enfants, tous éparpillés d’un bout à l’autre de la terre maintenant.

Elle lui adressa un bref sourire.

— Votre cadeau m’a ramenée dans le passé, sergent. Merci.

Le même après-midi, il apporta le courrier à Fort Rice et rentra à Lincoln le lendemain à l’heure du déjeuner. On était samedi et les soldats avaient passé une bonne partie de la journée à décorer le bâtiment de l’intendance en vue de leur bal du soir. Ayant obtenu de Moylan la permission d’utiliser le traîneau du courrier, Shafter se présenta à la porte de Josephine à 19 h 30 précises.

Quand elle vint lui ouvrir, il fut surpris de ressentir un choc aussi brutal. Elle avait cet effet sur lui : le sourire qui apparaissait sur ses lèvres, le contact de sa main sur son bras, cette soudaine vision de la beauté quelle lui offrait. Il ferma la porte et s’y adossa, en regardant la jeune femme s’éloigner et se retourner pour lui faire face.

— Il est un peu tôt, dit-elle. Ôtez votre manteau un instant.

La longueur et le poids du manteau, parfaitement ajusté aux épaules et à la poitrine, enveloppaient sa grande silhouette anguleuse et le faisaient paraître encore plus grand. Il continuait à l’observer, totalement concentré : un homme aux cheveux noirs, aux os longs et larges, au visage fouetté par le vent, et ce vent, l’obscurité aussi, ainsi que la vision de Josephine, aiguisaient son regard. Elle s’en aperçut et exécuta un petit tour sur elle-même, accompagné d’un léger mouvement de bras pour se soumettre à son examen, sans se départir de son sourire.

— Est-ce que ça ira pour votre bal, Kern ?

— Je n’ai jamais vu quelqu’un comme vous.

— Allons, dit-elle, vous n’avez vu aucune femme pendant une semaine. Vous n’avez pas de point de comparaison.

— Je peux remonter bien plus loin que ça, dit-il, d’un ton mesuré.

Josephine inclina la tête, vivement intriguée par ce passé, auquel elle s’intéressait avec une authentique émotion.



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