De Plume Et D'Epée by Hubert Monteilhet

Auteur:Hubert Monteilhet [Monteilhet, Hubert]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique
Goodreads: 7607026
Éditeur: De Fallois
Publié: 2015-08-11T16:00:00+00:00

XVI

Je devais donc écrire de toute urgence à Madame de Montastruc. Avoir à ses trousses pour 150 000 livres de spadassins aurait mis en émoi le plus téméraire. De quoi faire massacrer des bataillons ! Qui était donc cette baronne de Montastruc, si puissamment riche et si vindicative ? Quand cette histoire finirait-elle, que la sottise de Samuel m’avait attirée ?

Suant sang et eau, je me fendis d’une longue lettre de condoléances et d’explications, faisant appel à toutes les ressources de la meilleure rhétorique de Quintilien, et j’eus même le souci de mettre, par un minutieux polissage, une sincérité de premier jet dans un labeur que le respect des règles de l’art avait rendu au départ un peu froid. En bonne littérature, la spontanéité est le fruit de cet artifice. J’insistai naturellement sur l’exemplaire poignée de main, par où le mourant avait exprimé sa volonté catégorique de n’être vengé par personne.

Les derniers paragraphes avaient de quoi attendrir une louve affamée :

« Un coup maladroit, qui me met au désespoir, que je me reprocherai jusqu’à mon dernier souffle, vous a certes privé d’un fils accompli qui faisait le bonheur de tous ceux qu’il approchait, mais il m’a privé moi-même d’un ami d’exception, dont le charme m’avait fait apprécier des joies inconnues et bouleversantes. Cette situation fatale, que la Providence a permis pour notre douleur et notre confusion, me rend odieuse l’idée de conserver plus longtemps le prêt que vous aviez eu la bonté de m’accorder. Je rapporterai l’argent dès demain à votre notaire de la rue Neuve-Saint-Honoré.

« Et si vous voyez quelque jour au passage se profiler, parmi les arbres d’automne dépouillés de leur parure, le toit d’ardoise de mon manoir familial, au moins pourrez-vous vous dire : “Ici a vécu, dans l’attente d’une âme sœur, ici vit peut-être encore, un enfant sans détour qui a aimé son Ulysse comme un frère… et sans doute davantage.” Que notre fils et compagnon repose donc en paix ! »

Ému par ma propre prose, j’en étais arrivé à verser de chaudes larmes qui délayaient l’encre par endroits et pouvaient se révéler du plus heureux effet sur une lectrice qui ne les aurait pas attribuées à l’eau du puits. Quand la vie est en jeu, il faut ce qu’il faut… et sans doute davantage ? J’avais en tout cas le sentiment d’avoir fait mon maximum. C’était Madame de Montastruc elle-même qui avait médité de me faire partager des semaines durant l’existence du séduisant Ulysse, pensant mieux assurer par là sa sauvegarde, il était de bonne guerre de lui retourner cette relation en faveur de mon innocence.

Restait le pénible devoir d’informer de la catastrophe une Hermine à qui la baronne ne montrerait point ma lettre parce qu’elle était bien résolue à cacher à tous, et d’abord à sa fille, le honteux arrangement que j’avais pris avec Ulysse sur son initiative, alors que la jeune personne ne montrerait pas non plus à sa mère une lettre où sa virginité était mise à mal. Cette situation ambiguë me

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