Correspondance avec Elisabeth by Descartes

Correspondance avec Elisabeth by Descartes

Auteur:Descartes [Descartes]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: PhiloSophie
Publié: 2010-12-30T16:00:00+00:00


Descartes à Elisabeth – Egmond, 3 novembre 1645

Madame,

Il m’arrive si peu souvent de rencontrer de bons raisonnements, non seulement dans les discours de ceux que je fréquente en ce désert, mais aussi dans les livres que je consulte, que je ne puis lire ceux qui sont dans les lettres de Votre Altesse, sans en avoir un ressentiment de joie extraordinaire ; et je les trouve si forts, que j’aime mieux avouer d’en être vaincu, que d’entreprendre de leur résister. Car, encore que la comparaison que Votre Altesse refuse de faire à son avantage, puisse assez être vérifiée par l’expérience, c’est toutefois une vertu si louable de juger favorablement des autres, et elle s’accorde si bien avec la générosité qui vous empêche de vouloir mesurer la portée de l’esprit humain par l’exemple du commun des hommes, que je ne puis manquer d’estimer extrêmement l’une et l’autre.

Je n’oserais aussi contredire à ce que Votre Altesse écrit du repentir, vu que c’est une vertu chrétienne, laquelle sert pour faire qu’on se corrige, non seulement des fautes commises volontairement, mais aussi de celles qu’on a faites par ignorance, lorsque quelque passion a empêché qu’on ne connût la vérité.

Et j’avoue bien que la tristesse des tragédies ne plairait pas, comme elle fait, si nous pouvions craindre qu’elle devînt si excessive que nous en fussions incommodés. Mais, lorsque j’ai dit qu’il y a des passions qui sont d’autant plus utiles qu’elles penchent plus vers l’excès, j’ai seulement voulu parler de celles qui sont toutes bonnes ; ce que j’ai témoigné, en ajoutant qu’elles doivent être sujettes à la raison. Car il y a deux sortes d’excès : l’un qui, changeant la nature de la chose, et de bonne la rendant mauvaise, empêche qu’elle ne demeure soumise à la raison ; l’autre qui en augmente seulement la mesure, et ne fait que de bonne la rendre meilleure. Ainsi la hardiesse n’a pour excès la témérité, que lorsqu’elle va au delà des limites de la raison ; mais pendant qu’elle ne les passe point, elle peut encore avoir un autre excès, qui consiste à n’être accompagnée d’aucune irrésolution ni d’aucune crainte.

J’ai pensé ces jours au nombre et à l’ordre de toutes ces passions, afin de pouvoir plus particulièrement examiner leur nature ; mais je n’ai pas encore assez digéré mes opinions, touchant ce sujet, pour les oser écrire à Votre Altesse, et je ne manquerai de m’en acquitter le plus tôt qu’il me sera possible.

Pour ce qui est du libre arbitre, je confesse qu’en ne pensant qu’à nous-mêmes, nous ne pouvons ne le pas estimer indépendant ; mais lorsque nous pensons à la puissance infinie de Dieu, nous ne pouvons ne pas croire que toutes choses dépendent de lui, et, par conséquent, que notre libre arbitre n’en est pas exempt. Car il implique contradiction de dire que Dieu ait créé les hommes de telle nature, que les actions de leur volonté ne dépendent point de la sienne, pour ce que c’est le même que si on disait que



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