Conversations dans l'interzone by Marguerite Andersen

Conversations dans l'interzone by Marguerite Andersen

Auteur:Marguerite Andersen
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 978-2-89744-023-7
Éditeur: Prise de parole
Publié: 2014-04-11T00:00:00+00:00


SENTIMENTALE VAVA

Tu pèses tout et tout te pèse. Tu ne devrais pas t’appeler Bibi. Je te l’ai déjà dit : Atlas t’irait davantage.

Tu plonges dans des profondeurs inscrutables pour trouver des mots, tu les remontes un à un, tu en fais une chaîne de plus en plus lourde. Tu regardes autour de toi parce que tu n’arrives pas à décider où tu iras poser cette lourde charge qui menace de t’échapper, de se rompre ou bien de s’avérer éternelle. Et malgré tout j’aime le bruit qu’elle fait en se déroulant, j’aime ta façon de dire les mots quand tu me les offres.

Tu es lent. Tu réfléchis à chaque moment. Les mouvements brusques te sont désagréables. Tu les évites. Tu as peur de te heurter à l’inconnu.

Je t’observe. Tu me sembles étrange, mais pas sans attrait. Si on était frère et sœur, je pourrais te donner tous les coups de pieds et de poings que je voudrais. Tu ne t’en recroquevillerais que davantage. Recroqueviller… C’est un mot qui te va à merveille.

Arrête de m’observer, s’il te plaît.

C’est fou, l’importance que tu accordes à la forme de ta main. Et tu trouves astucieuse cette façon de te serrer la main à toi-même? Où donc as-tu appris cela? Avec quelle secte?

Tu devrais aller voir les contortionnistes. C’est à leur exemple que tu apprendrais l’art des gestes. À moins que tu ne t’en ailles chez les mimes. Pourquoi faut-il que je te dise tout cela? Tu n’es pas pratique.

Tout de même, tu commences à voir le bleu comme une solution, une issue à ton rabougrissement.

Je me dis quelquefois que tu crains les changements. Tu ne veux pas vraiment changer. Devenir autre. Tu te cherches des coins et des angles, tu évites les grands espaces, tu mesures et tu calcules. J’admire ta prudence. Il n’y a pas plus imprudente que moi. Parfois je ne regarde même pas où je mets les pieds. Et pourtant, malgré ma témérité, j’ai peur moi aussi. De ne pas bien faire, de mal comprendre.

En ce moment, c’est surtout toi que je ne comprends point. Tu m’écrases parfois de tes mots, de tes appréhensions, de tes explications. Tu m’aplatis, tu paralyses ma pensée. Je deviens alors toute petite. J’essaie de m’évader en ne t’écoutant pas, mais d’un autre côté je reste fascinée par ton discours et son abstraction, déchirée entre le désir de te suivre et celui de m’en aller.

Choisis. Toi, si impérieuse, tu dois en être capable.

Je voudrais pouvoir te renvoyer la balle au moment propice, mais le retentissement, l’écho de tes paroles si bien choisies, me font taire. Confuse devant tes métaphores, je reste bouche bée, cousue, incapable de trouver en moi quelque phrase digne d’être proférée après la tienne.

Par exemple, j’ai bien aimé la façon dont tu as décrit notre rencontre. Il n’y avait rien à ajouter. Sauf peut-être que de mon côté il n’y avait eu ni analyse ni prudence. Je me suis tournée vers toi et j’ai su tout de suite que nous allions pouvoir nous tenir compagnie en attendant notre entrée dans le monde.



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