Contes gouttes by Pascal Garnier

Contes gouttes by Pascal Garnier

Auteur:Pascal Garnier [Garnier, Pascal]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Ils étaient seuls sur le quai du RER. Adrien se tordait les doigts en répétant comme une prière, “tout cela n’existe pas, n’a jamais existé, n’existera jamais”, entrecoupé par instant de l’écho des injures de la grand-mère qui lui sonnaient aux oreilles comme des paires de claques. De temps à autre, il se passait la main sur les joues et le menton, sentait sa barbe dure, qui peu à peu se transformait en soie de porc, de gros porc, de vieux porc qu’il était. Aline pleurait en silence, en parfaite harmonie avec le ciel. Ses cheveux étaient tout collés. On aurait dit une enfant malade. Et, malades, ils ne tarderaient pas à l’être vraiment si ce putain de RER n’arrivait pas bientôt.

Dans le wagon, ils se réchauffèrent un peu. Non pas serrés l’un contre l’autre, car ils ne s’aimaient déjà plus (s’ils s’étaient d’ailleurs réellement aimés), mais chacun à sa façon. Elle, en position de fœtus sur la banquette, et lui, en tentant pour la dixième fois d’allumer une cigarette avec des allumettes humides. Il y avait peu de monde dans le compartiment, un couple avec un bouquet de fleurs et une boîte de gâteaux, un sportif tout frais tout neuf et une jeune femme qui, voyant les efforts infructueux d’Adrien, lui proposa son briquet. Ils se sourirent.

Pour Aline l’aventure commençait à sentir la banlieue, comme ces jardins minables (3 choux, 2 carottes, une carcasse de 4 CV) qui défilaient derrière la vitre embuée.

Pour Adrien l’aventure sentait la jeune femme d’à côté. Il en avait déjà le goût du rouge à lèvres à la bouche. Depuis le coup du briquet, plusieurs fois leur regard en se croisant avait fait des étincelles.

Sans doute pensait-elle qu’Adrien était un brave papa, ou mieux, un oncle sympathique venu arracher sa nièce des griffes d’un vieux vicelard et la ramenait à présent dans le droit chemin, celui d’un foyer modeste mais honnête, le père et la mère, en robe de chambre, les yeux rougis par l’insomnie, attendant, le pardon à la bouche, le retour de l’enfant prodigue.

Oui, c’est cela, sans nul doute qu’elle devait penser, cette charmante personne aux ongles soignés posés sur ses genoux croisés. C’est exactement le scénario qu’Adrien se proposait de lui offrir si par bonheur elle descendait en même temps que lui, et qu’il réussisse à renvoyer Aline faire dodo chez son père.

- Aline... Aline ! Tu sais, je crois que nous sommes en train de faire une bêtise.

Elle se tourna vers lui avec un air de défi.

- Tu pars plus, t’as les jetons, t’as peur !

- Pas du tout ! Je ne t’ai pas dit qu’on ne partait plus ! Seulement... Ce matin... dans l’état de fatigue et d’énervement où nous sommes, ce serait... gâcher notre départ et ça, c’est trop important pour le foutre en l’air. L’arrivée dépend du départ. A quoi bon tout bâcler par précipitation.

- Mais c’est toi qui voulais partir là, tout de suite, à l’instant !

- Mais je le veux toujours ! Seulement je pense à toi.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.