Churchill et la France by Christian DESTREMAU

Auteur:Christian DESTREMAU [Destremau, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Perrin
Publié: 2017-07-14T16:00:00+00:00

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L'ami de la France

L'année 1938 n'a pas été bonne pour Winston. L'Anschluss, Munich : il a tout tenté pour convaincre ses pairs, sans aucun succès. L'alliance avec la France n'a pas progressé, tant s'en faut. La faiblesse de la réaction française au moment de la crise des Sudètes renforce le camp de ceux qui estiment que la Grande-Bretagne ne doit pas lier trop étroitement sa politique étrangère à celle de ces Français toujours aussi imprévisibles et versatiles. Les francophobes semblent avoir gagné sur toute la ligne.

Sur un plan pratique, les conversations militaires franco-britanniques qui se déroulent le 24 novembre à Paris ne relancent pas vraiment la coopération. Il n'y a pas renforcement de la solidarité entre les deux pays. Comme il est clair que les Britanniques n'ont pas l'intention d'envoyer en France un corps expéditionnaire important, la question principale est celle du rôle de l'aviation militaire. Les responsables britanniques sont unanimes : la mission de la chasse de la RAF est de défendre la Grande-Bretagne et elle doit rester basée en Angleterre. Sur ce point essentiel, Churchill ne va jamais réclamer une réelle coopération aérienne entre les deux pays : un élément important qui explique bien des controverses futures et les positions fluctuantes qui seront les siennes. Il appelle sans cesse à une grande solidarité avec la France, mais, sur un plan concret, face aux Français qui réclament plus que des belles paroles, il se fait curieusement discret, piégé en quelque sorte par ses propos incantatoires sur l'excellence de l'armée de terre française. Puisque celle-ci est si forte, pourquoi les Français auraient-ils besoin de nous, lui font valoir ses adversaires.

Au Parlement, il est isolé comme il ne l'a jamais été. Il semble que son talent oratoire lui fasse désormais défaut. Son discours aux Communes, le 5 décembre, tombe à plat. Il est hors du coup. « C'est un vieil homme maintenant », dit son voisin de banc à Nicolson. Par contraste, Chamberlain est réaliste, calme, rassurant.

Churchill est effectivement en plein doute et cherche des éléments d'explication. Le 1er décembre, il publie un article intitulé « France and England » : « La conquête sans effusion de sang et l'absorption virtuelle de la Tchécoslovaquie par l'Allemagne nazie a transformé la position militaire de la France. [...] Il faut franchement admettre que les amis de la France en Angleterre sont dans un état de stupéfaction. Même moi, qui, trente années durant, en temps de paix, en temps de guerre, après la guerre, me suis consacré sans défaillir à la cause de la solidarité franco-anglaise suis quelque peu dérouté. On ne sait pas ce que représente cette France nouvelle ou comment elle se définit239. » Fondamentalement, la cause principale de cette attitude est à chercher non pas chez les hommes politiques français, mais dans cette France frileuse, ces « familles » bourgeoises, étriquées, provinciales, vivant de leurs rentes, qui lui faisaient tant horreur lorsqu'un demi-siècle auparavant sa mère l'avait envoyé à Versailles étudier la langue. « Les raisons pour lesquelles la France ne se présente pas aujourd'hui avec toute sa force ne

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