Chroniques de la fin du monde - Tome 2 - L'exil - Susan Beth Pfeffer by Unknown

Chroniques de la fin du monde - Tome 2 - L'exil - Susan Beth Pfeffer by Unknown

Auteur:Unknown
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-05-07T04:00:00+00:00


DIX

Lundi 29 Août

— Oh, Alex ! s’écria Julie en se jetant en larmes dans les bras de son frère.

Celui-ci baissa les yeux sur sa petite sœur. Depuis trois mois que tout avait commencé, il ne l’avait jamais vue ni même entendue pleurer. Gémir, se plaindre, hurler, oui, mais pas pleurer. Ni quand il était devenu évident que les parents n’avaient aucune chance de reparaître. Ni lorsque Bri était partie. Ni quand elle avait appris qu’oncle Jimmy avait quitté New York. Ni même quand elle avait faim, qu’elle était seule ou effrayée. Et voilà qu’elle poussait des sanglots à fendre l’âme.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il en l’entraînant doucement loin de Saints-Anges. Quelqu’un est mort ?

Julie secoua la tête, sans cesser de pleurer, et ses larmes atteignaient profondément Alex.

— C’est le jardin, finit-elle par dire d’une voix étouffée. On a tout perdu durant le week-end. Fini, les légumes. Nos légumes. Mes haricots verts. Je voulais que tu les goûtes, et maintenant ils sont fichus.

Alex se représenta des rangées de haricots verts morts alignés comme au Yankee Stadium.

— Tu ne pleures quand même pas pour des haricots verts ? s’étonna-t-il. On nous en a donné une boîte vendredi dernier.

— Je te déteste ! cria Julie. Tu ne comprends rien à rien !

— Je comprends parfaitement. Je comprends que tu es furieuse, et je ne te critique pas pour ça. Tu as travaillé dur tout l’été dans ce potager. (Il s’arrêta un moment, jusqu’à ce que le bruissement des rats l’incite à repartir.) La cantine va continuer à te servir à déjeuner, non ? Demanda-t-il. Ce n’est pas ta faute si tu ne peux plus travailler.

Il tenta de contrôler la panique qui le saisissait à l’idée que Julie puisse ne plus recevoir à manger le midi.

— J’en sais rien, renifla Julie. Ça m’est égal. J’aimerais être morte.

— Bien sûr que non. Ne dis plus jamais ça. N’y pense même pas.

— Tu n’as pas à me dire ce que je dois penser ! se rebella Julie, mais au moins elle avait cessé de pleurer. J’aimais ce jardin. Et il est mort parce qu’il fait si froid. C’est le mois d’août, et je porte mon manteau d’hiver, des gants, et mon jardin est fichu à cause du gel. Et je déteste les cadavres ! Je les déteste !

Alex ne pouvait la blâmer. Ils venaient d’en dépasser un qui se décomposait devant une pizzeria depuis maintenant une semaine, sa chair emportée par les rats. Au début, les cadavres gisant dans les rues étaient ramassés dans les vingt-quatre heures. A présent, l’intervention des équipes sanitaires ne semblait guidée par aucune logique. Avec la multiplication des décès, la raréfaction des transports vers les crématoriums, les cadavres faisaient partie du paysage. Tant mieux pour le body shopping, mais à part ça...

— S’il fait si froid que ça en août, qu’est-ce que ça va être en décembre ? demanda Julie.

Alex secoua la tête.

— Je n’en sais rien. Mais peut-être que d’ici là ils auront trouvé un moyen de dégager le ciel.



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