Chili Incarné - Gérard Delteil by Le Poulpe

Auteur:Le Poulpe [Poulpe, Le]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782290315576
Google: O7eSPAAACAAJ
Amazon: 2842190157
Publié: 1996-01-01T23:00:00+00:00

Quand le Poulpe parvint Plaza Garibaldi, à pied, après avoir profité de la balade pour découvrir Mexico, les mariachis étaient à leur poste, devant les boîtes de nuit et les restaurants. Les travaux n’avaient guère avancé depuis le jour où José Balaguer s’était fait poignarder mais les portraits du président Zedillo avaient disparu des palissades. Gabriel aborda un couple et se fit indiquer le marché couvert où feu José Balaguer tenait son restaurant – il avait trouvé son nom, parmi beaucoup d’autres, dont le sien, dans le fichier codé « Mummy ». Ce fichier contenait aussi des renseignements sur l’avocat Montoya, sur son éphémère client Merino, sur Jorge Casado, sur le journaliste Lestepied et sur le capitaine Lazaro Silvera. Les autres individus fichés, une quinzaine en tout, étaient inconnus du Poulpe, qui avait consciencieusement recopié ces informations, de crainte de les effacer définitivement par une fausse manœuvre ou de ne plus pouvoir y accéder.

Somme toute, il avait eu beaucoup de chance. Il était content de lui car il estimait ne pas s’être mépris sur la principale faiblesse de Ralph Dillon : ce type était trop sûr de lui. Il fallait l’être pour se promener avec cet ordinateur sur lui. Une pareille assurance ne pouvait s’expliquer que par une couverture semi-officielle des services chiliens.

Dans le marché couvert, les patrons des restaurants vantaient leurs marchandises à grands cris et tentaient à toute force de retenir les badauds. Les poulets et les saucisses grillées étaient appétissants, mais Gabriel n’avait plus faim. Il avait beaucoup trop mangé et bu en compagnie des membres de la délégation industrielle. Il trouva assez facilement l’échoppe de Balaguer, qui se réduisait à un bar, un grill, une table et quatre tabourets de bois. Une petite femme maigre s’employait à découper un poulet dégoulinant de graisse. Le Poulpe la salua aimablement puis demanda où il pouvait rencontrer José Balaguer.

— Au cimetière, répondit la femme, sans cesser de s’occuper de son poulet.

Cette nouvelle ne le surprit pas outre mesure. Néanmoins, il éprouva le besoin de s’asseoir et de se désaltérer pour la digérer, en même temps que les tacos du Vasco de Quiroga qui ne passaient pas. Cette fois il commanda une clara 1. La femme abandonna un instant son poulet pour ouvrir un frigo. Elle décapsula la boîte et la plaça devant lui, sans un mot aimable, mais sans agressivité non plus. Elle semblait indifférente. Il en conclut qu’elle n’était probablement ni la femme ni la mère de Balaguer, à moins que la mort de celui-ci ne constituât pour elle une délivrance…

— Que lui est-il arrivé ? demanda-t-il après avoir avalé une gorgée de bière.

— Il a reçu un mauvais coup, d’après ce que je sais.

— Vous êtes peut-être de sa famille ?

— Je remplace sa femme, pendant le deuil. Mais je ne les connais pas plus que ça. Je travaille, c’est tout. Pourquoi posez-vous toutes ces questions ?

Il étala un billet de mille pesos sur le comptoir. C’était une explication qui valait toutes les autres. La femme considéra le billet avec perplexité, puis le fit disparaître.

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