Cent Jours : La tentation de l'impossible - Mars-juillet 1815 by Emmanuel de Waresquiel

Cent Jours : La tentation de l'impossible - Mars-juillet 1815 by Emmanuel de Waresquiel

Auteur:Emmanuel de Waresquiel [Waresquiel, Emmanuel de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire, nouveaux
ISBN: 9791021006584
Éditeur: Tallandier
Publié: 2014-08-20T22:00:00+00:00


4.

Un « air d’émigration »

« L’air de cour » que l’on respire à Gand est un air un peu raréfié, comme si l’on étouffait de n’avoir rien à faire, sinon attendre et guetter les nouvelles venues de France. Il n’y a pas plus étrange et triste qu’une cour où manquent le pouvoir et les affaires et où survivent, seules, les prétentions et l’étiquette. On y trouve en même temps cette propension à s’illusionner et surtout à se rassurer qui habite toutes les cours en exil. En 1710, l’Anglais Bolingbroke se moquait déjà dans ses Mémoires des espoirs et des petitesses de l’entourage de Jacques II exilé à Saint-Germain près de Paris par la révolution de 1688829. Le souvenir des Stuarts déchus devait hanter les consciences de Gand, autant que ceux de Coblence. Aussi cherche-t-on à idéaliser l’avenir pour oublier l’infortune présente. « Tout le monde aime à se flatter, note Gobineau avec finesse, et ceux qui entourent un prince malheureux fondent toutes les espérances de leur fortune à venir sur son rétablissement, aussi n’accueillent-ils que ce qui peut le leur faire croire prochain. » Il n’y a pas un jour, à l’hôtel d’Hane, où on ne parle de l’amour des Français pour le roi et de la haine de la nation pour l’empereur. Le jeune Frédéric Rilliet, toujours fidèle mais toujours un peu surpris, décrit l’entourage du roi à la manière d’un aréopage de « vieillards très dévoués, mais incapables de rendre un bon service ». Certains de ceux qui arrivent viennent par peur ou par intérêt plus que par zèle. D’autres, sans tenir compte des leçons de l’expérience, traînent avec eux leurs vieux préjugés d’avant 1789, leur ineptie et leur légèreté. On y reprend comme par enchantement les mœurs et les habitudes de l’émigration. « On eût dit de l’année que nous venions de passer en France comme d’un bal masqué après lequel, une fois dehors, chacun jette son masque et reprend son habit accoutumé830. » Tous composent autour du roi, conclut Rilliet, « une cour de la plus funeste espèce831 ». On s’y pousse et on s’y place autant, sinon plus qu’à Paris. Gand est le pays des songes et des chimères, de l’orgueil ennuyé et de l’intrigue oisive. C’est l’impression qu’en aura le marquis de La Maisonfort, proche de Blacas, lorsqu’il y débarquera à la fin du mois de mai, en provenance de Londres : « Je trouvai Gand comme j’avais trouvé Coblence jadis, comme on trouvera toujours un rassemblement de gens jouant gros jeu, et ayant leur existence placée entre l’honneur et la misère, les premiers emplois d’un beau royaume et la vie errante d’un émigré. Toutes les passions y étaient en jeu, on y craignait tout, on y espérait tout832. » De quoi méditer sur tous ceux qui, exilés ou pas, ont perdu le pouvoir et cherchent à le reconquérir.



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