catastrophisme, administration du désastre et soumission durable by Jaime Semprun

catastrophisme, administration du désastre et soumission durable by Jaime Semprun

Auteur:Jaime Semprun [Semprun, Jaime]
La langue: fra
Format: epub
Tags: critique sociale
ISBN: 2910386287
Éditeur: Encyclopédie des nuisances
Publié: 2010-11-22T23:00:00+00:00


XXV

Aussi éloigné de toute outrance Latouche sache-t-il se montrer dans l’accomplissement de son « devoir d’iconoclastie», la décroissance n’en a pas moins ses révisionnistes, qui l’invitent à oser paraître ce qu’elle est et à remiser une fois pour toutes un accoutrement subversif qui lui va si mal : « Une première proposition pour consolider l’idée d’une décroissance pacifique serait un renoncement clair et sans équivoque à l’objectif révolutionnaire. Casser, détruire ou renverser le monde industriel me semble non seulement une lubie dangereuse, mais un appel caché à la violence, tout comme l’était la volonté de supprimer les classes sociales dans la théorie marxiste.» (Alexandre Genko, « La décroissance, une utopie sans danger ? », Entropia n° 4, printemps 2008.) Même un Besset, pourtant porte-plume de Hulot et défenseur du « Grenelle de l’environnement » comme « premier pas dans une démarche de transition vers la mutation écologique, sociale et culturelle de la société », a du mal après cela à surenchérir de modération : « Face à l’ampleur et à la complexité de la tâche, ce ne sont certainement pas les projections verbeuses ou les catéchismes doctrinaires qui s’avéreront d’un grand secours. (…) On a beau habiller la décroissance d’adjectifs sympathiques – conviviale, équitable, heureuse –, l’affaire ne se présente pas avec le sourire (…) les transitions vont être redoutables, les arrachements douloureux. » (Ibid.) Ces vertes remontrances disent à leur façon assez bien en quoi les recommandations décroissantes ne constituent d’aucune façon un programme dont il y aurait lieu de discuter le contenu, et quelle est la partition imposée sur laquelle elles essaient de jouer leur petite musique (decrescendo cantabile), en guise d’accompagnement de fin de vie pour une époque de la société industrielle : un « nouvel art de consommer » dans les ruines de l’abondance marchande.[7]

L’image que se faisait de lui-même ce que l’on appelait naguère le « monde libre » n’avait en fait guère varié depuis Yalta : ce conformisme démocratique, bardé de ses certitudes, de ses marchandises et de ses technologies désirables, avait certes été brièvement ébranlé par des troubles révolutionnaires autour de 1968, mais la « chute du mur » avait semblé lui assurer une sorte d’éternité (on avait expéditivement parlé de « fin de l’histoire »), et l’on croyait pouvoir se féliciter de ce que les cousins pauvres veuillent accéder à leur tour et au plus vite à semblables délices. Il a cependant fallu par la suite commencer à s’inquiéter du nombre des cousins, surtout des plus lointains, et à se demander s’ils faisaient vraiment partie de la famille, quand ils se sont mis à accroître inconsidérément leur « empreinte carbone ». Ce dont tout le monde s’alarme désormais, ce n’est plus seulement du scénario classique de surpopulation, où, en dépit des gains de productivité, les ressources alimentaires s’avéreraient insuffisantes à pourvoir aux besoins des surnuméraires, mais d’une configuration inédite dans laquelle, à population constante, la menace provient d’un trop-plein de modernes vivant de façon moderne : « Si les Chinois ou les



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