Carcassonne ou mourir by Mahoux Bernard

Auteur:Mahoux, Bernard [Mahoux, Bernard]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Historique
ISBN: 9782366520866
Éditeur: TDO
Publié: 2014-11-09T23:00:00+00:00

XVIII

L’HIVER DE PEÑISCOLA

1238

Ils passent l’hiver dans la forteresse de Peñiscola, à contempler depuis une tour, la mer blanche d’écume. Vers la montagne, le cordon de sable qui relie la forteresse à la terre se prolonge en deux courbes majestueuses formant deux baies magnifiques habitées par des pêcheurs sous les palmiers.

La présence de la mer qui les entoure de tous côtés rend Saurine nerveuse et irritable. Une nuit, le vent se lève et les vagues viennent s’écraser avec une force effrayante au pied du château, éclatant en gerbes scintillantes jusqu’aux premières terrasses. Les cabanes des pêcheurs et des valets d’armes, serrées derrière la butte, sont évacuées tandis que les chevaux sont ramenés sur la terre ferme avant que l’eau ne passe par-dessus le cordon de sable, et n’isole le château du monde habité.

Au matin l’eau est noire, le ciel obscur, la terre sombre, on ne distingue plus le ciel de la mer, la mer de la terre. Des murs liquides s’écrasent contre les remparts. Saurine s’inquiète, regrette de ne pas avoir accepté l’invitation de sa compagne Agnès, revenue au sein de sa famille, dans les montagnes aragonaises. C’est Raimon qui s’y est opposé. Saurine lui en veut et le tient pour responsable de son tourment.

D’autant qu’il y a peu de femmes en résidence ; le châtelain, don Fernando Pérez, vit comme un moine-soldat voué au Temple. Il accueille chaque jour de nouveaux combattants qui apportent avec eux le bruit et la fureur des armes dans l’air épais des veilles de bataille. Ce temps grave où les heures comptent double plaît à Raimon, mais il effraye son amie.

— Qu’est-ce que je fais ici ? se répète Saurine incrédule, entourée d’un côté par la rumeur incessante de la mer, et de l’autre par le fracas guerrier des armes.

— Tu es sous ma protection, Saurine, répond patiemment Raimon qui a le souci de ne pas envenimer leur relation. Jusqu’à ce que je puisse te ramener dans ta patrie, comme le souhaitent tous ceux de notre langue, et de t’y marier. Je te promets qu’avant un an tu dormiras dans ton lit, à Sauvian.

— Un an, c’est trop long ! Et Sauvian, c’est trop petit !

— Tu iras où tu voudras, mais avant, je dois aider mon cousin à conquérir Valencia. Il ne pense qu’à ça. Quand la conquête sera faite, avec l’armée qu’il me donnera nous passerons les Pyrénées et nous chasserons les Francimands. Nous serons enfin chez nous, pour l’éternité.

Le joli visage de Saurine se rembrunit. Entre ses sourcils noirs à la courbe parfaite se creuse un sillon de contrariété. Elle réplique :

— C’est à moi de décider. J’irai à Paris à la cour du roi de France…

Raimon éclate de rire.

— À Paris je ferai un grand mariage, poursuit la belle, le regard incendiaire. Je ferai un mariage encore plus magnifique que celui que vous avez foulé aux pieds.

— Ma chère, loin de moi l’idée de t’en empêcher. Tous les fléaux qui pourront servir à la pénitence des Francimands seront les bienvenus.

Saurine se

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