Avant de partir by Eric Ollivier

Avant de partir by Eric Ollivier

Auteur:Eric Ollivier [Ollivier, Eric]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782246804871
Goodreads: 26355282
Éditeur: Grasset
Publié: 2013-09-15T04:00:00+00:00


Automobile

Je venais d’acheter pour cinq mille francs une automobile. Avec des copains de la succession d’Attys, connaisseurs des moteurs, nous allons la chercher près de Bourges. Je n’avais pas encore mon permis de conduire, et celui qui nous ramena à Paris était Poirot-Delpech. On peut imaginer le voyage-surprise que fut ce rapatriement d’une Citroën A2 1919, décapotable, type phaéton, qui n’avait pas roulé depuis 1940, et ne dépassait pas le 40. En pointe. Une grande partie de rire, évidemment.

Une lettre m’attendait, au retour du Berry. En substance, les références sont bonnes, mais je n’ai rien déniché d’intéressant pour vous. Ne pourrais-je vous employer ?

On aurait difficilement attendu meilleure réponse. François Mauriac avait chargé son fils Claude d’écrire à mon sujet aux personnes dont j’avais fourni la liste, c’était sage de sa part de ne pas apparaître lui-même.

« Je n’ai pas de secrétaire en ce moment. Ma femme tape mon courrier et mes éditoriaux. Savez-vous taper à la machine ?

— Malheureusement, non.

— Je pensais vous proposer d’être mon secrétaire à l’essai. Au fond, on doit apprendre facilement la dactylographie, à votre âge. Je vais vous payer des cours. Si cela vous chante, évidemment.

— Maître, cela m’enchante, vous voulez dire.

— À trois conditions. Ne m’appelez pas maître. Dans quelque temps, vous m’appellerez François. Promettez-moi de ne pas écrire un “François Mauriac en pantoufles”, à l’instar du secrétaire d’Anatole France. Et puis, et puis, j’aimerais mieux que vous ne revoyiez plus Jean Cocteau. »

(J’avais la manie d’écrire à des écrivains. Claudel m’avait envoyé voir un prêtre. Montherlant m’avait reçu quai Voltaire, au cœur de ses fausses antiques pesantes au point de dissuader d’éventuels cambrioleurs ; Duhamel avait tartiné des platitudes ; Bernanos n’avait pas répondu alors qu’il exhortait les jeunes Français à changer d’air ; je sais qu’il avait pourtant reçu ma lettre car, plusieurs années plus tard, le futur Mgr Pézeril m’écrivit pour demander comment s’était passé… mon entretien avec ledit Bernanos. J’étais allé voir Cocteau, Opium sous le bras. J’en ai encore la belle dédicace. Il était sympathique, avenant, très différent de ce qu’on décrivait dans la presse. Il me dit que j’avais un visage bâti. Grâce à lui, j’ai tourné avec Jean Marais dans Ruy Blas. J’étais un page allant le chercher dans une galerie et l’amener en gros plan ; sans dire un mot, mais je considérai que c’était une scène fort importante. Quand je quittai la rue de Montpensier où habitait Cocteau, il me proposa de me déposer dans mon quartier où il allait. Mais son chauffeur en tamponna un autre, rue de Rivoli. Attroupement. Curiosité autour du passager célèbre. J’eus une brève poussée de vanité, puis Cocteau me libéra : l’incident allait durer à cause des constats. Lui-même retournait chez lui ; je fis de même.)

Je m’engageai à respecter ces trois conditions. N’ayant jamais pris de notes dans ma vie, j’aurais été bien incapable de décrire Mauriac en pantoufles. Et je sais tenir parole. Pour ce qui est de Cocteau, cela me coûtait davantage, mais je me pliai à la demande.



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