Attends-moi by Françoise Xenakis

Auteur:Françoise Xenakis [Xenakis, Françoise]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Récits, Journal Intime, Interview, Roman, Ironie, Roman Psychologique, Drame, Compassion, Douleur, Trahison, Écrivain Femme, Jalousie, Procès, Amour, Meurtre, Crime, France, Littérature Française, 20ème Siècle
ISBN: 2246471419
Éditeur: Grasset
Publié: 1993-02-02T23:00:00+00:00

Dans sa cellule, tandis qu'elle essaie de dîner — le corps a ses habitudes ! — elle s'écroule, un spasme la fait vomir... Le visage du vieil homme aperçu tout à l'heure s'impose à elle : là, dans sa cellule, mais il bouge, se transforme et s'y superposent, s'y incrustent précis, si précis, comme un moulage, les traits de Claude, mais vieilli.

Et si elle avait laissé le temps ? Peut-être, peut-être que douleurs apaisées, « amis », comme il disait, ils auraient — elle et lui — ressemblé à ce couple qu'elle ne peut oublier... elle, cachée, enfouie dans une grosse enveloppe de graisse, et lui, sec, le visage raviné, buriné mais pas une once de lard : son orgueil ! « T'as vu. je ne prends pas un gramme ! » Dieu qu'il aurait été beau. même vieux !

Mais jamais, elle ne le saurait puisqu'elle, sûre qu'elle avait à le faire, l'avait froidement assassiné « parce qu'elle lui avait juré ».

Et, si elle se mentait ? et mentait à tous ces gens qui la harcellent ? et ce, depuis le premier instant ou elle l'a vu mort à ses pieds ?

Glacée, houlée de frissons, elle le voit vivant, gai, et enfin une avalanche d'images sans lien déboule. A tout âge, il court, plonge, marche, mange, et sur chaque image il rit : heureux avec ou sans elle. Il est là. Même son odeur est là.

Et elle, « par amour », elle le disait, le répétait, le martelait quand on l'interrogeait, elle « par amour » avait interrompu tout cela car pour elle l'aimer plus que tout au monde c'était le tuer. Elle en était sûre depuis trois ans... jusqu'à cet instant où les gardes l'avaient arrachée à la foule et portée littéralement dans le fourgon. et que ce visage d'homme vieillissant était resté incrusté dans sa rétine comme les mouches sur les photos du corps retrouvé et que peu à peu le visage de Claude s'était plaqué, moulé dessus.

Le poing dans la bouche pour essayer d'atténuer la plainte qui sourd d'elle, toutes certitudes en déroute. elle, Jeanne Pottier comprend, sait, qu'elle a assassiné délibérément Claude Pottier. Jamais. lui qui aimait tant la vie et tout de la vie, jamais, il n'aborderait cette sérénité entrevue que possédaient ces deux-là perdus dans la foule. Jeanne n'était pas intéressée par la vie sans lui et elle l'a tué, lui, si intéressé à la dévorer même sans elle...

Et si elle n'avait été qu'un animal épris de vengeance ? Et si, confortée par ce serment — dont il ne lui parlait plus depuis des mois — elle n'avait agi qu'en petite propriétaire outragée ?

Non, elle n'a pas agi par amour... Elle s'est menti et elle a menti, en toute bonne foi, et ce, depuis trois ans.

Mme veuve de Fourchemont, épouse Pottier, a raison... C'est un énorme mensonge... Mais Jeanne ne le savait pas avant ce soir. Muette quasiment depuis toujours. Elle n'a jamais eu beaucoup à dire, à plus forte raison depuis qu'elle a tué Claude — « En quoi elle parle, ta femme ? demandait-on à son mari au début.

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