Ailleurs by Henri Michaux

Auteur:Henri Michaux [Michaux, Henri]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-02-22T19:12:25+00:00

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J’ai parlé de l’institution du marché d’enfants. Dans la province de Norr existe un marché de parents, auquel sont tenus de se rendre les adultes sans enfants et d’un bonnet inférieur à celui du troisième degré magique.

Là, les enfants choisissent. Les parents peuvent se dérober. Le choix fait par un enfant est simplement noté. Sept refus d’adulte ne seront pas tolérés. C’est un père qui s’ignore, dit-on, et de même pour une femme, sauf que le maximum de refus pour elle tombe à cinq.

Dans la province de Gornoba, on trouve beaucoup plus de pères que de mères. En Caréla, c’est le contraire, les femmes ne s’attachent guère, sauf aux mâles.

Inconvénient, évidemment. Mais mieux vaut un père adoptif qui vous convient, qu’une famille entière naturelle qui ne vous convient pas, tel est leur principe. Ils disent encore volontiers qu’un enfant a rarement besoin d’un père et d’une mère. Il a besoin, suivant son caractère, de l’un ou de l’autre.

Que dire de ces usages ? Eh bien (et je fais remarquer que je ne suis pas homme à trouver des réussites partout) s’il reste un certain nombre « d’unions » qui tournent mal, il n’en est point d’indifférentes, et il s’y trouve plus que nulle part ailleurs des familles d’une harmonie à faire rêver, qui furent le résultat de passionnantes rencontres un jour de marché et sont devenues une sorte de paradis sur terre. On en est envieux aussitôt, je vous assure.

Le petit de Gornoba a lui-même désigné et « franchi le cercle » pour aller vers son destin. Peut-être dois-je noter que certains enfants m’agaçaient par leur expression irritante de petit monsieur qui a réussi ; observation qui s’efface vite au vu du merveilleux assemblage, véritablement prédestiné et tel qu’on sent auprès d’eux sa propre vie ratée, ratée derrière soi, depuis le début, définitivement ratée.

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Perfidement, sagement, génialement, ils ont mis au point une méthode de chasse singulière.

Ils agissent contre les lions, en blessant l’âme collective des lions. Par une voie secrète, ils prennent l’avantage sur les esprits des lions morts, les compriment et gênent leur réincarnation ou bien la pressent exagérément avec des résultats très mauvais pour la santé et la constitution des lions qui là-bas – sauf dans les savanes de l’ouest – sont très dégénérés et paresseux, comme il n’est pas permis aux bêtes de l’être, diminués en taille et en tout et tels qu’un bouc leur tiendra tête.

Aussi ces ennemis de l’homme et des troupeaux, ces bêtes autrefois apocalyptiques par la terreur qu’elles inspiraient, ils les chassent de leur chemin à coups de pied quand ils les rencontrent, et menacent de les abâtardir encore davantage, de les réduire si bas qu’un rat leur fera peur.

Et les lions, comme comprenant l’anathème, se retirent la queue basse et la tête dans les pattes. On en voit qui, comme des misérables, fouillent les ordures ménagères.

*

Il y a longtemps que les bateaux ne sont plus utilisés sauf pour les grandes distances.

S’il s’agit de franchir un fleuve, une barque est prévue pour les infirmes, les enfants, les marchandises.

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