A la vie, à la... (Nathan Poche) (French Edition) by Roger Marie-Sabine

Auteur:Roger, Marie-Sabine [Roger, Marie-Sabine]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782092523889
Éditeur: Editis
Publié: 2010-05-16T22:00:00+00:00

Le lit se cabre violemment et pousse un hennissement sonore.

J’entends la voix du Grand Duc Lescale qui s’exclame :

— Doucement ! Doucement ! Du calme…

Puis je crois bien que la porte de ma chambre s’est ouverte. J’ai vu maman qui courait lentement. Un homme la suivait.

Il va l’attraper. Il va l’attraper…

— Maman, fais attention, derrière toi ! Un Toubibiâtre !…

Mais je crie si menu que personne n’a entendu.

Chapitre 8

La Grignotruche

Mon lit est sagement garé sur la plage. Il broute un gros buisson de vermisonges en les aspirant avec un bruit un peu dégoûtant. SLLLPPP !

Je me sens tout à fait bien, cette fois-ci. J’ai envie de courir. Cela fait trente-deux milliards d’années que je n’ai pas couru, ni sautu, ni rigolu… Je prends mon élan, et je m’élance en hurlant :

— Vivlaviii !

— Chhuut ! Tais-toi, tu vas réveiller tout le monde !

Melchior court à côté de moi. Il est habillé en Grand Duc, avec de belles plumes. Il fait plus vieux que d’habitude. C’est peut-être parce qu’il a de gros yeux ronds et orange. Il me prend la main pour qu’on aille plus vite.

Effectivement, en un quart de demi-seconde nous voilà au bout de l’île, tout en haut d’un grand promontoire, face à la mer Mouilleuse. C’est beau à en pleurigoler. Je tends le bras, en criant :

— Regarde !

Au bout de mon doigt, un grand voilier tout blanc vient d’apparaître.

— C’est La Mélopée… dit doucement Melchior, dans mon dos.

Je me retourne. Il est habillé en pirate, avec une jambe de bois toute neuve. L’escornifle du Grand Escornifleur pend à sa ceinture. Il me sourit d’un bout à l’autre de sa figure. Je m’exclame :

— La Mélopée ?… C’est ton bateau ?

— Oui, moussaillon ! C’est mon bateau. J’en suis le capitaine !

— Il y a des pirates, dessus ?

— Il y en a plein ! Les plus terriblifiques pirates de mon dentier !

— De quoi ?

— Du monde entier !

Je ris. Je ris si fort que tout d’un coup, ça me débouche les oreilles, et que j’entends la mer… Si fort que je respire jusqu’aux orteils… Si fort que le ciel devient bleu biberon…

Je suis bien, d’une biénitude force 12.

— Melchior ?

— Mmmhhh ?

— Je suis vraiment obligé de mourir ?

— Bien sûr, moussaillon. Comme tout le monde !

— Oui, mais, je veux dire… je suis vraiment obligé de mourir petit ?

Melchior me regarde en dedans avec des yeux qui brillent tendre. Il demande, d’un air moqueur :

— Parce que tu trouves ça mieux, toi, de mourir quand on est grand ?

— Ben… Je sais pas. J’aurais bien aimé devenir aussi fort que toi… Et puis ça m’embête de mourir, à cause de maman.

— Ah ça ! C’est vrai que c’est un problème. Elle va chagriner fort quand tu seras parti.

— Pourquoi elle viendrait pas avec moi ?

— À cause du compte à rebours… répond Melchior, en me passant un bras autour des épaules.

On regarde le voilier blanc qui fait route vers nous. Quelque part dans le lointain, une mouette sonne dix heures.

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