2048 by Lionel Cruzille

Auteur:Lionel Cruzille [Cruzille, Lionel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Horreur
Publié: 2016-11-21T23:00:00+00:00

DEUXIÈME PARTIE

CHAPITRE NEUF

Cela faisait au moins deux heures que j’étais immobile sur mon zafu. Je laissais passer inlassablement les pensées dans mon champ de conscience comme des oiseaux traversent le ciel pour se fondre au loin dans l’azur parfait.

Mon esprit rejoignait une paix profonde, vaste, sans début ni fin. Je sentis que mon corps était stable, le dos droit érigé entre ciel et terre.

Puis, il y eut le son de cloche. Mes yeux clignèrent et je vis Shifu se diriger vers moi. Cela faisait un mois que je m’entraînais douze heures par jour selon un rythme quasi identique, sept jours sur sept : lever à quatre heures trente, deux heures de méditation, gymnastique lente Qi Gong, petit-déjeuner, combat à mains nues, méditation, gymnastique lente. S’ensuivaient un temps libre, puis un dîner et de nouveau des exercices de visualisation ou une séance de méditation pure. Mais au regard de Shifu face à moi, je compris intuitivement que les choses allaient changer.

— Viens avec moi, Miya.

Je lui emboîtai le pas, les jambes encore un peu groggy des deux heures de posture assise. Voulant en savoir plus, j’employai à dessein le prénom de Shifu afin de l’interpeller. C’était Will qui me l’avait révélé la semaine précédente.

— Maître Bayani ?

— Oui ?

— Quelle est la suite de tout ça ?

Et sans lui laisser le temps de répondre, je m’engageais sur un terrain de discussion plus mouvant : lui faire comprendre que j’en avais assez de ne pas savoir où nous allions, pourquoi exactement je devais mener cet entraînement, même si j’en avais une petite idée. Il me fallait des buts, une destination sinon, je menaçais de devenir folle coincée ici.

— Shifu, excusez-moi, mais je ne vais pas pouvoir continuer ainsi. J’ai l’impression que je sature complètement et…

Le maître se retourna. Nous étions au seuil d’une porte que je n’avais en six mois, jamais aperçue. Comment était-ce possible ? Elle se trouvait pourtant au bout du couloir de notre coursive suspendue. Je regardai la porte d’un air ahuri quand Shifu l’ouvrit et commença à me répondre.

— Je te comprends Miya, mais toute cette première étape était cruciale. Apaiser ton esprit, aiguiser tes sens, rassembler ton énergie pour te rendre à la fois plus forte, plus souple, plus disponible et supprimer la force parasitaire de ton mental.

— « Mon mental parasite » ? répétais-je, un peu vexée.

— Rassure-toi, le mental est un parasite pour chacun de nous. Enfin, sauf pour ceux qui demeurent aveugles complètement, les gens sous PIGAG.

— Tout le monde quoi, murmurai-je.

J’eus droit seulement à un regard désapprobateur du vieux maître. Il me fit un geste pour entrer dans la pièce. De modeste taille, elle était quasiment vide. Les murs et le sol étaient blancs. Seules se trouvaient une chaise et une machine inconnue qui trônait au centre, posée en suspension gravitationnelle. Une chose m’interloqua, il semblait qu’elle possédait un œil artificiel.

— Nous devions préparer ton esprit. Le purifier, l’apaiser, le rendre aussi aiguisé qu’une lame de guerre.

— Je vois, soufflais-je. Mais six mois, c’est un peu court pour y parvenir vraiment, non ?

— Oui, et non.

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