1969. Monique by Hade Mario

Auteur:Hade, Mario [Hade, Mario]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782895856115
Éditeur: LER
Publié: 2015-09-02T04:00:00+00:00

Chapitre 8

Le mois de février 1946 fut des plus glacials et des plus venteux. Dans les chaumières, on se collait autour du poêle pour y garder toute la chaleur. Le vent entrait par les fenêtres de piètre qualité, lesquelles étaient dotées d’un verre simple. L’épais givre empêchait de voir autre chose qu’une faible clarté, même en plein jour. Les jeunes n’allaient à l’école que de temps à autre, car s’y rendre à pied était devenu risqué à cause des engelures. Une nuit où il ventait à tout rompre, pendant que tous dormaient, Émile était aux aguets. Une odeur de bois brûlé l’avait tenu réveillé. Souvent quand le vent s’engouffrait dans la cheminée, un relent de fumée envahissait la maison. De temps à autre, il se levait et jetait un coup d’œil pour s’assurer que tout était normal. Il s’était levé à deux reprises et n’avait rien vu qui clochait. Mais la troisième fois, l’odeur était tellement prenante qu’il se réveilla alarmé. Il chaussa ses bottines de feutre avec empressement. Même si le givre était un obstacle pour lui permettre de voir clairement dehors, il vit tout de même une lueur terrifiante. La grange était en feu.

— Lauretta, Gérard, Marcel, Yvan ! Levez-vous, le feu est pris dans la grange ! Il faut sauver les animaux, c’est tout ce qu’on a ! Vite, baptême !

Tout le monde s’était levé d’un bond. Le feu était le fléau le plus redouté, car à la campagne, il n’y avait pas grand espoir d’en réchapper…

— Marcel ! Sors la truie pis sa portée, si t’es capable ! Gérard, viens m’aider à sortir les vaches, mais prends pas de risques. Pis toé Yvan, va aider Gérard, mais fais attention à la boucane ! J’aime mieux perdre mes vaches qu’un de mes gars. Lauretta ! Habille les plus jeunes pis tenez- vous prêts à sortir si le vent tourne, la maison peut y passer. Sors tes biens les plus précieux au cas où, on ne sait jamais.

Marcel avait réussi à faire sortir la truie, avec sa portée collée contre lui. Il avait ramassé quatre cochonnets, les avait mis dans son manteau et les avait déposés dans le poulailler. Il était revenu pour transporter le reste des porcelets et la truie l’avait suivi dans le poulailler. Émile, Gérard et Yvan avaient réussi à libérer les vaches, qui beuglaient à fendre l’âme. Les yeux complètement affolés, elles se sauvaient dans toutes les directions.

— Sortez de la grange, les gars ! On n’a plus rien à faire icitte, c’est trop dangereux quand on ne voit plus rien, cria Émile pour tenter de couvrir le mugissement des animaux. Allez aider votre mère à sortir le plus de choses possible, parce que la maison va y passer elle aussi.

Émile vit des phares sur la route. C’était son voisin qui, en voyant le feu, venait lui donner un coup de main. Émile s’assura que tout son monde était là, qu’il ne manquait personne.

— Gérard, Marcel, Yvan ! Essayez de regrouper les vaches pis les taures dans le pacage.

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