Vivre une vie philosophique by Michel Onfray

Vivre une vie philosophique by Michel Onfray

Auteur:Michel Onfray [Onfray, Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Sciences humaines
Éditeur: Le Passeur
Publié: 2017-09-07T04:00:00+00:00


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1. Herman Melville, Taïpi, La Pléiade, 1997.

2. Henry David Thoreau, Journal (1837-1840), Finitudes, 2012, p. 177.

3. Henry David Thoreau, Journal (1844-1846), Finitudes, 2014, p. 56.

4. Henry David Thoreau, Walden, Gallimard, 1990, p. 203.

5. Ibid., p. 385.

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Une cabane transcendantale

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THOREAU écrivait cette phrase terrible et tellement juste : « Il existe de nos jours des professeurs de philosophie, mais de philosophes, point. » Depuis que Deleuze a étendu les grandes ailes de son magistère philosophant sur le paysage intellectuel français et fait du philosophe un créateur de concepts, ou bien encore un inventeur de personnages conceptuels, le philosophe reconnu comme tel aujourd’hui se confond souvent avec l’inventeur de néologismes avec lesquels il joue, donc avec le créateur de glossolalies – de langages des autistes…

On peut ne pas souscrire à cette façon très universitaire de définir une discipline qui, du temps où elle n’était pas confisquée par les curés du christianisme, les curés de l’université, les curés de l’idéalisme allemand, les curés de la French theory, était l’occasion d’une conversion existentielle en vue d’une ascèse visible dans la vie concrète. Une vie de philosophe, c’était alors une vie philosophique.

Si le philosophe est un créateur de concepts, alors son domaine d’action se limite à son bureau, sa sagesse est faite d’un assemblage de morceaux choisis des livres de sa bibliothèque, sa vie se résume aux cours et aux séminaires qu’il professe du haut de son estrade et son existence se confond avec ce qu’il a écrit.

Le grand philosophe, selon cette définition, peut donc ne jamais sortir de son village, comme Kant, mais parler tout de même pour la planète entière ; il peut ne jamais regarder le monde, comme Derrida, mais se soucier des livres qui disent le monde et croire que tout ce qui est se résume à ce qui a été dit de ce qui est ; il peut pérorer sur des idées, comme Sartre, et n’avoir jamais pris la peine de lever son nez des pages du livre en cours. Ces façons de faire conduisent souvent à dire des bêtises, voire à en faire…

À l’époque où il écrit cela, Thoreau pense probablement à Emerson. Son ami Emerson… Mais Thoreau qui était un homme rude avait une conception rude de l’amitié. Quand il prononce l’éloge funèbre de Thoreau, Emerson ne manque pas de signaler ce trait de caractère : « Il y avait dans sa nature quelque chose de militaire et d’irréductible, toujours viril, toujours apte, mais tendre rarement, comme s’il ne se sentait bien lui-même qu’en opposition. Il lui fallait quelque mensonge à dénoncer, quelque sottise à mettre au pilori, un petit air de victoire, un roulement de tambour pour déployer pleinement ses facultés. Dire non ne lui coûtait rien et il le trouvait plus facile que de dire oui. Son premier mouvement instinctif en entendant une proposition était de la réfuter, tant il était impatient de ce qui borne habituellement nos pensées. Cette habitude ne va pas naturellement sans refroidir les affections sociales et, bien que,



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