Une Si Longue Lettre by Mariama Bâ

Une Si Longue Lettre by Mariama Bâ

Auteur:Mariama Bâ [Bâ, Mariama]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction, histoire, Afrique, Science sociale
ISBN: 9782842612894
Google: 2pEzQQAACAAJ
Amazon: 2842612892
Éditeur: Schoenhofs Foreign Books
Publié: 2001-10-14T22:00:00+00:00


15

Aïssatou, mon amie, il n’y a pas de comparaison possible entre la petite Nabou et toi, je te l’ai dit. Mais, je reconnais aussi, qu’il n’y a pas de comparaison possible entre la petite Nabou et Binetou. La petite Nabou avait grandi à côté de sa tante, qui lui avait assigné comme époux son fils Mawdo. Mawdo avait donc peuplé les rêves d’adolescence de la petite Nabou. Habituée à le voir, elle s’était laissée entraîner naturellement, vers lui, sans choc. Ses cheveux grisonnants ne l’offusquaient pas ; ses traits épaissis étaient rassurants pour elle. Et puis, elle aimait et aime encore Mawdo, même si leurs préoccupations ne véhiculent pas toujours le même contenu. L’empreinte de l’école n’avait pas été forte en la petite Nabou, précédée et dominée par la force de caractère de tante Nabou qui, dans sa rage de vengeance, n’avait rien laissé au hasard dans l’éducation qu’elle avait donnée à sa nièce. C’était surtout, par les contes, pendant les veillées à la belle étoile, que tante Nabou avait exercé son emprise sur l’âme de la petite Nabou, sa voix expressive glorifiait la violence justicière du guerrier ; sa voix expressive plaignait l’inquiétude de l’Aimée toute de soumission. Elle saluait le courage des téméraires ; elle stigmatisait la ruse, la paresse, la calomnie ; elle réclamait sollicitude pour l’orphelin et respect pour la vieillesse. Mise en scène d’animaux, chansons nostalgiques tenaient haletante la petite Nabou. Et lentement, sûrement, par la ténacité de la répétition, s’insinuaient en cette enfant, les vertus et la grandeur d’une race.

Cette éducation orale, facilement assimilée, pleine de charme, a le pouvoir de déclencher de bons réflexes dans une conscience adulte forgée à son contact. Douceur et générosité, docilité et politesse, savoir faire et savoir parler, rendaient agréable la petite Nabou. « Mièvre ! » la jugeait, en haussant les épaules, Mawdo.

Et puis, la petite Nabou exerçait un métier. Elle n’avait point de temps pour des « états d’âme ». Responsable de services de garde rapprochés, à la Maternité du Repos Mandel, au débouché de quartiers périphériques peuplés et démunis, elle accomplissait à longueur de journée maintes fois, les gestes libérateurs de vie. Les bébés passaient et repassaient entre ses mains expertes.

Elle revenait de son travail harassée, pestant contre le manque de lits qui renvoyait, trop tôt à son gré, les accouchées à leur domicile, butée contre le manque de personnel, d’instruments adéquats, de médicaments. Elle s’émouvait : « Le bébé fragile est lâché trop tôt dans un milieu social où l’hygiène manque. »

Elle pensait à la grande mortalité infantile que des nuits de veille et de dévouement ne font point régresser. Elle songeait : « Passionnante aventure que de faire d’un bébé un homme sain ! Mais combien de mères la réussissent ? »

Au cœur de la vie, au cœur de la misère, au cœur des laideurs, la petite Nabou triomphait, souvent, avec son savoir et son expérience ; mais, elle connaissait parfois des échecs cuisants ; elle restait impuissante devant la force de la mort.



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